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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/442

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LES JOURNÉES DE SEPTEMBRE

d’octobre, les mineurs détruisirent les « chemins ferrés »[1] établis récemment dans les houillères.

Ces manœuvres n’eurent d’autre résultat que de le mettre en butte aux déclamations des clubs et de soulever contre lui l’indignation publique. Peut-être même contribuèrent-elles à hâter l’offensive de Mellinet et de Niellon contre Anvers. Le prince alors perdit la tête. S’adressant aux Belges dans un nouveau manifeste (16 octobre) : « Je comprends votre situation, leur disait-il, et je vous reconnais comme nation indépendante. Je me mets ainsi, dans les provinces que je gouverne, à la tête du mouvement qui vous mène vers un idéal de choses nouveau et stable dont la nationalité fera la force. Voilà le langage de celui qui versa son sang pour l’indépendance de votre sol et qui veut s’associer à vos efforts pour établir votre nationalité politique »[2]. Et deux jours plus tard, pour prouver la sincérité de ces déclarations, il ordonnait de séparer dans l’armée les Belges des Hollandais.

Cette conduite ne peut s’expliquer que par un coup de folie. Envoyé pour enrayer la révolution, le prince pactisait publiquement avec elle et, trahissant à la fois son père et l’Europe, en affirmait la légitimité et prenait l’initiative de reconnaître l’indépendance de la Belgique. Bien plus, en pleine guerre, il ne craignait pas en divisant l’armée, de la désorganiser encore davantage. Il ne désavouait pas seulement le roi, il le désarmait. Dans son affolement, il croyait se relever aux yeux des Belges en se jetant à leurs pieds. La réponse qu’il reçut du gouvernement provisoire lui donna le coup de grâce (18 octobre) : « C’est le peuple qui a fait la révolution, c’est le peuple qui a chassé les Hollandais du sol de la Belgique ; lui seul et non le prince d’Orange est à la tête du mouvement qui lui a assuré son indépendance et qui établira sa nationalité politique[3] ». Pourtant le pauvre prince se cramponnant à ses illusions ne se décide pas à quitter la place, où il n’est plus pour ses compatriotes qu’un objet de mépris. C’est seulement

  1. Van Halen, Les quatre journées, p. 109, 126.
  2. Ibid., t. I, p. 130. Cf. de Gerlache. op. cit., t. II, p. 75.
  3. De Gerlache, op. cit., t. II, p. 75.