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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/67

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LA RESTAURATION AUTRICHIENNE

On le ressentait d’autant plus amèrement que l’on avait nourri plus d’illusions. Et il paraît bien que le résultat le plus clair de la conquête fut de détourner des idées révolutionnaires bon nombre de ceux-là mêmes qui, au début, y avaient adhéré.

Aussi, les villes évacuées recevaient-elles les Autrichiens avec le même enthousiasme qu’elles avaient manifesté dix mois plus tôt à l’entrée des carmagnoles. Pendant que les clubistes et les jacobins prenaient la fuite ou se cachaient, on brûlait les arbres de la liberté et on traînait dans la boue le bonnet rouge. Des transparents montraient « l’aigle autrichienne et le lion belgique se tenant par la patte »[1]. Les anciennes autorités, États, Conseils de justice, magistrats municipaux se pressaient aux Te Deum d’actions de grâce, moins avides de montrer leur loyalisme que leur rentrée en fonctions.

V

La restauration de l’Ancien Régime fut donc aussi facile que complète. Dans le pays de Liège, où le mouvement révolutionnaire avait été beaucoup plus profond et plus intense que dans les provinces belges, elle s’accompagna de mesures de rigueur. Le prince-évêque de Méan laissa exécuter à Verviers le docteur Chapuis, contre lequel on ne pouvait invoquer d’autres griefs que ses principes républicains. On ne put se résigner à passer l’éponge sur le passé et l’amnistie qui fut proclamée comprenait trop d’exceptions pour ramener le calme dans les esprits.

Mais si Méan suivit à Liège l’exemple de Hoensbroech, dans les provinces belges, au contraire, François II eut la prudence d’agir comme l’avait fait Léopold II en 1790. Il n’entreprit aucune poursuite contre les partisans, même les plus compromis, de la France, et donna pour consigne de couvrir le passé d’un oubli général. D’adroites mesures furent prises pour ramener l’opinion. Au lieu de renvoyer à Bruxelles l’odieuse

  1. Paridaens, Journal historique, t. II, p. 249.