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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/69

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OPPOSITION DES CONSERVATEURS

ment résolu à conserver l’essentiel du pouvoir. Il venait de constituer à Vienne, auprès de sa personne, une chancellerie des Pays-Bas, et, en la confiant à Trauttmansdorff, il avait clairement fait paraître qu’elle devait être un instrument de centralisation et d’absolutisme. Il n’en fallait pas plus pour inspirer une insurmontable défiance aux bonnes paroles dont, à Bruxelles, l’archiduc Charles et Metternich se montraient prodigues. Et elle n’était que trop justifiée. Leurs instructions leur prescrivaient de remettre en vigueur les institutions telles qu’elles avaient existé à la fin du règne de Marie-Thérèse. Mais ils devaient s’abstenir de toutes promesses embarrassantes, éviter les discussions et agir avec fermeté[1]. Encore trouvait-on à Vienne qu’ils se montraient beaucoup trop conciliants et taxait-on de faiblesse ce qui n’était chez eux qu’opportunisme[2].

Les États profitèrent naturellement de cette mésintelligence entre Vienne et Bruxelles. De jour en jour, ils se montraient plus intraitables. Ils exigeaient le renvoi des fonctionnaires joséphistes, demandaient le rétablissement des couvents supprimés, faisaient céder le gouvernement dans l’irritante querelle provoquée par la réorganisation du Conseil de Brabant. En vain, Metternich s’efforçait-il, dans des pourparlers confidentiels avec les conservateurs les plus modérés parce qu’ils étaient les plus intelligents, d’établir un modus vivendi tolérable. En présence de l’obstination de réactionnaires obtus ou aigris, il fallut abandonner tout espoir d’améliorer les choses. Ceux-là mêmes qui avouaient la nécessité de réformes, reconnaissaient l’impossibilité de les accomplir[3]. D’autres, exaspérés par les violences anticléricales du régime français, ne voyaient de salut que dans l’Église. L’évêque d’Anvers, Nélis, abjurant son joséphisme, proposait un retour aux pratiques gouvernementales d’Albert et d’Isabelle et voulait introduire un évêque

  1. Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, 2e série, t. IX, [1857], p. 250.
  2. Von Zeissberg, Belgien unter der Generalstatthalterschaft Erzherzog Caris, t. I, p. 4 et suiv. (Vienne, 1893).
  3. Voir à ce sujet une curieuse lettre du magistrat de Bruges dans le Bulletin de la Commission Royale d’Histoire, 2e série, t. VIII, [1856], p. 251.