Aller au contenu

Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
56
FLEURUS

Liège dont ils bombardèrent, en se retirant, le faubourg d’Amercœur (28-30 juillet), les Autrichiens, battus à Esneux-Sprimont (18 septembre), puis à Aldenhoven (2 octobre), étaient refoulés en janvier sur la rive droite du Rhin, cependant que Pichegru, passant sur la glace fleuves et canaux, entrait le 20 du même mois à Amsterdam.

Ainsi les Provinces-Unies qui, depuis le XVIIe siècle, s’étaient si obstinément acharnées à se faire de la Belgique une barrière contre la France, allaient à leur tour servir de barrière à celle-ci. Un instant, l’oligarchie bourgeoise des patriotes qui, en haine du stadhouder, avait salué Pichegru en libérateur, espéra pouvoir traiter d’égal à égal avec le Comité de Salut Public. Dans leur naïve outrecuidance, les États-Généraux lui proposèrent un partage de la Belgique[1]. Il leur fallut après quelques chicanes abandonner leurs illusions. Si la République française reconnut par le traité de La Haye (16 mai 1795) la République des Provinces-Unies comme puissance libre et indépendante, en fait, elle la soumit à son protectorat. Non seulement elle lui imposait jusqu’à la fin de la guerre une alliance offensive et défensive, mais elle l’obligeait encore à reconnaître la liberté de l’Escaut, à accepter la co-souveraineté de la France sur Flessingue, à céder la Flandre Zélandaise, ainsi que Venlo, Maestricht et leurs dépendances. La frontière militaire que les Maurice de Nassau et les Frédéric-Henri avaient arrachée à l’Espagne durant les guerres glorieuses du XVIIe siècle, était maintenant retournée, si l’on peut dire, contre les Provinces-Unies. Elles abandonnaient à la France les forteresses qu’elles avaient élevées pour défendre les passages de l’Escaut et de la Meuse. Elles se trouvaient désormais vis-à-vis d’elle dans le même état d’impuissance auquel, pendant deux siècles, elles avaient réduit la Belgique à leur profit.

L’annexion de cette dernière paraissait d’autant plus assurée que, six semaines avant le traité de La Haye, la Prusse, sortant de la coalition, avait reconnu le Rhin comme frontière

  1. Colenbrander, Gedenkstukken der algemeene Geschiedenis van Nederland 1789-1795, p. 662.