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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/79

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LES REPRÉSENTANTS EN MISSION

sans restriction la loi du plus fort, à sacrifier impitoyablement l’intérêt du vaincu à l’intérêt de la France. « Nous ne voulons ni soulever le pays, ni fraterniser avec lui », écrit-il dès le 11 juillet 1794 aux représentants en mission en Belgique, « c’est un pays de conquête qui a bien ses restitutions à nous faire et duquel il faut se hâter d’extraire toutes les ressources qui pourraient favoriser une nouvelle invasion de la part de l’ennemi »[1]. Il importe donc de profiter sans scrupule de cette riche proie. Plus de ménagements comme ceux de « l’infâme Dumouriez ». Il faut « dépouiller la Belgique de subsistances, de chevaux, de cuirs, de draps, de tout ce qui peut être utile à notre consommation… faire circuler les assignats, établir des contributions, enlever tout l’argent possible »[2]. Il faudra même, pour embellir Paris, y envoyer sans retard les œuvres d’art qui font de ce pays « le plus beau de l’univers »[3].

Ainsi la consigne est d’organiser la rafle, et les représentants ne s’en acquittent que trop bien. Ils n’ont même pas attendu, pour agir, de recevoir leurs instructions. Dès le 8 juillet, Laurent écrit de Mons au président de la Convention que les églises y regorgent de saints. « Ils n’ont pas plus tôt recouvré la liberté qu’ils ont voulu aller voir la Convention nationale à Paris. Je te les envoie par la diligence de Maubeuge. Ils sont les précurseurs de deux millions en numéraire que nous avons imposé, Gillet et moi, sur les richards de Mons »[4]. Et deux jours plus tard, il annonce au Comité de Salut Public qu’il a établi dans la ville une municipalité, un district, un comité de surveillance, des juges de paix, un tribunal civil et un tribunal criminel. « Ce sont des patriotes persécutés et des sans-culottes qui occupent les places ». De plus, il a pris dix otages et ouvert une Société populaire. « On dira la messe en tremblant et en nous donnant les tabernacles d’argent ; on priera les chapelets en évacuant les bourses »[5]. Et le 13,

  1. Aulard, Recueil des arrêtés du Comité de Salut Public, t. XV, p. 84.
  2. Ibid., p. 640.
  3. Ibid., t. XVI, p. 101.
  4. Ibid., t, XV, p. 12.
  5. Ibid., t. XV, p. 63.