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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/93

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DISPARITION DE L’AUTONOMIE NATIONALE

d’Autriche, n’avait pas cessé de jouir de l’autonomie politique. Le régime sous lequel elle avait vécu était celui de l’union dynastique.

Elle avait eu en commun avec les Espagnols, puis avec les Autrichiens, le même prince, sans être pour cela le moins du monde amalgamée à ces peuples. Les vieilles constitutions provinciales étaient restées en vigueur, l’administration s’était faite dans les langues nationales, les États avaient conservé le droit de voter les impôts. Jamais les rois d’Espagne ou les empereurs n’avaient considéré le pays comme partie intégrante de l’Espagne ou de l’Autriche. C’était une possession de leur maison, une propriété héréditaire sur laquelle leur nation n’avait rien à prétendre. S’ils lui imposaient leur politique extérieure, s’ils y entretenaient des garnisons et s’ils se faisaient représenter à Bruxelles par un gouverneur, ils n’en reconnaissaient pas moins aux « pays de par delà » leur individualité nationale. Ils régnaient sur eux à titre particulier, ils se considéraient comme les héritiers des ducs de Bourgogne, et les habitants eux-mêmes les considéraient comme leurs « princes naturels ». Sous leur règne, la civilisation nationale n’avait pas reçu la moindre atteinte. Aucune trace d’espagnolisation sous les rois d’Espagne, aucune trace de germanisation sous les Habsbourg d’Autriche. Joseph II lui-même s’était toujours efforcé d’enlever à ses réformes l’apparence d’importations allemandes. Bref, depuis le règne de Charles-Quint, si la Belgique n’avait plus eu de souverains indigènes, jamais pourtant elle n’avait été soumise à la domination étrangère.

D’un seul coup, le décret de la Convention anéantissait cet antique régime d’union dynastique et d’autonomie nationale. La République n’eût pu le reconnaître qu’en se mettant en contradiction avec ses principes, car il l’eût obligée à tolérer sur son propre sol des institutions politiques et une organisation sociale dont la destruction était précisément sa raison d’être. Ayant fait table rase du passé, elle ne pouvait le laisser subsister sur aucune partie de son territoire. Elle devait nécessairement s’identifier la Belgique dès lors qu’elle s’en agran-