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Page:Pirenne – Histoire de Belgique – Tome 6.djvu/95

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CONSÉQUENCES INTERNATIONALES DE LA RÉUNION

n’assurait-elle pas à la République ! En l’acquérant, elle acquérait l’hégémonie en Europe. Installée sur la côte de Flandre, à Anvers, à Maestricht et à Luxembourg, elle menaçait l’Angleterre, dominait la Hollande et couvrait Paris. Pouvait-on s’attendre à la voir renoncer à une conquête que la monarchie avait vainement ambitionnée ? C’était pour elle un magnifique triomphe que de réussir là où Louis XIV avait échoué. Au surplus, sa détresse financière lui commandait de garder un territoire dont les ressources affermiraient son crédit et le cours des assignats. Sans doute, en s’y installant, elle éternisait la guerre. Elle ne pouvait se dissimuler que l’Angleterre, son adversaire le plus terrible et le plus tenace, ne tolérerait jamais une annexion que depuis des siècles elle s’était acharnée à empêcher. En rendant le décret du 1er octobre, la Convention lançait au gouvernement de Londres le même défi que Louis XIV lui avait lancé en acceptant le testament de Charles II. Et le sort de la Belgique allait dépendre d’une lutte qui devait à la longue embraser toute l’Europe.

Mais la République ne craignait pas l’Europe. Elle avait fait la paix avec la Prusse, avec l’Espagne, avec les Provinces-Unies. Sur le continent, elle n’avait plus qu’un ennemi, l’Autriche, et elle se flattait de la mettre hors de cause. Elle n’ignorait pas que l’empereur tenait moins que jamais à la possession des Pays-Bas. Le Comité de Salut Public se flatta un moment de l’amener à y renoncer en lui promettant de l’aider à acquérir la Bavière. Il fallut les instances de l’Angleterre pour que François II se résignât à conserver ses prétentions sur la Belgique, mais à condition qu’elle fut augmentée de la ligne des forteresses françaises du Nord et du Brabant hollandais (novembre 1795). Ainsi, la conquête du pays, au lieu de dissoudre la coalition austro-anglaise, la renforça.

II

À dix-neuf siècles d’intervalle, l’analogie s’impose entre l’absorption de la Belgique par la République française et son annexion à l’Empire Romain. Toutes deux furent l’œuvre de