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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/145

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le confisquer tout entier. Un de leurs chefs, Guillaume, était en 1042 proclamé comte d’Apulie par ses compagnons. Il était trop tard pour résister à ces auxiliaires devenus conquérants pour leur compte. Le pape Léon IX, que le prince de Bénévent avait appelé à l’aide, marcha contre eux avec un corps allemand qui se fit battre et laissa le pape prisonnier des vainqueurs (1053). Cependant, Robert Guiscard s’installait en Calabre et, en 1057, héritait du comté d’Apulie[1].

La conduite de Rome à l’égard des Normands s’était transformée du tout au tout de Léon IX à Nicolas II. Le schisme, depuis longtemps menaçant entre l’Église latine et l’Église grecque, s’était produit définitif en 1054, et le pape était désormais directement intéressé à expulser de l’Italie les quelques troupes que Byzance y conservait encore.

D’autre part, la nature des rapports qu’il entretenait avec l’empereur Henri III présageait une lutte véritable dans un avenir prochain. Rien d’étonnant donc qu’il se soit intimement lié avec ses entreprenants voisins du sud et qu’il ait favorisé leur expansion. En 1059, disposant d’ailleurs de pays qui ne lui appartenaient pas, il donnait en fief Capoue à Richard d’Arezzo, et à Robert Guiscard, l’Apulie, la Calabre et la Sicile. Deux ans après, le dernier s’était emparé de Messines, et une trentaine d’années plus tard, l’île était complètement enlevée à la domination musulmane. Il en alla de même pour les derniers postes byzantins en Italie. Bari et les duchés lombards furent annexés (1071), puis, non content d’avoir expulsé les Grecs de la Péninsule, Robert prétendit prendre pied sur la côte de l’Adriatique, s’empara de Durazzo et dirigea des expéditions en Thessalie. Sa mort en 1085 interrompit momentanément ses projets. Ils n’en prouvent pas moins la vitalité guerrière du nouvel État qui, grâce à l’étonnante énergie de ses aventureux conquérants, venait de s’installer à cette extrême pointe méridionale de l’Europe où, depuis cinq siècles, en dépit des Lombards, des Carolingiens, des Empereurs allemands et des Musulmans,

  1. L’histoire de ces Normands prouve admirablement que l’Italie du sud était économiquement plus avancée que l’Europe du nord. Les princes du pays les prennent à leur solde comme mercenaires et, dans ce pays divisé en vingt parties, ils agiront comme les grandes compagnies ont essayé de le faire au xive siècle. Ce sont de purs mercenaires qui se taillent des principautés. C’est parce qu’il y a là de l’argent qu’ils reçoivent tout de suite des renforts de leurs compatriotes.