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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/155

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une guerre continuelle de frontières où les chrétiens ne furent pas toujours heureux. A la fin du xe siècle, sous le khalife Hischam II, Barcelone fut détruite en 984 et Santiago aussi, d’où les chrétiens furent obligés d’apporter les cloches à Cordoue. Mais, après l’extinction de la dynastie des Ommiades (1031), le xie siècle marque l’avance chrétienne. En 1057, Ferdinand de Castille, pousse jusqu’à Coïmbre et force plusieurs émirs, même celui de Séville à lui payer tribut. Son fils Alphonse VI (1072-1109) s’empare de Tolède, de Valence et assiège Saragosse. Battu par les Almoravides du Maroc, que l’émir de Séville appelle à la rescousse en 1086, il est arrêté dans sa conquête après s’être un instant avancé avec son armée jusqu’au détroit de Gibraltar. Mais les progrès des chrétiens sont déjà assez marqués ; du moment qu’on n’a pu les débusquer de leurs montagnes, ils iront à Gibraltar.

En Italie, les événements sont plus décisifs. Les Byzantins, qui n’avaient pas défendu la Sicile, tenaient encore le sud de la Péninsule, quand l’arrivée des Normands substitua, tant à leur domination qu’à celle de l’Islam, celle d’un nouvel État guerrier et plein de vie. La conquête de la Sicile et bientôt celle de Malte jetaient deux citadelles chrétiennes en pleine Méditerranée musulmane. Au surplus, les Pisans avaient pris part à la guerre. Depuis quelque temps, ils luttaient sur mer contre les Maures de Sardaigne qu’ils expulsèrent en 1016. Ils prirent une part active à la conquête de la Sicile. Le dôme de Pise est une espèce d’arc de triomphe en l’honneur du forcement du port de Palerme en 1067. Gênes aussi commençait ses expéditions et harcelait la côte d’Afrique. Ce n’était pas encore du commerce : c’était de la course, de la piraterie, de la guerre, l’idée chrétienne se mêlant chez ces marins à celle de profit.

En somme donc, depuis le milieu du xie siècle, l’Occident chrétien prend, par efforts détachés, l’offensive contre l’Islam. Mais il n’y a rien là de commun avec une guerre religieuse. Ce sont des guerres de conquêtes qui se feraient même entre des gens de même religion si les circonstances et la situation géographique s’y prêtaient. Les Normands attaquent d’ailleurs impartialement Byzantins et Musulmans.

À l’envisager d’une manière générale, dans l’ensemble de l’histoire universelle, la Croisade se rattache évidemment à ces événements comme la continuation de l’offensive contre l’islamisme. Mais elle n’a avec eux qu’un seul trait commun : elle est dirigée