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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/167

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venues de l’extérieur, il a devancé le moment où il aurait dû s’épanouir naturellement.

Et, si bizarre que cela paraisse à première vue, il en a été ainsi non seulement dans la Méditerranée, mais aussi dans la Mer du Nord et dans la Baltique. Leurs eaux, dans l’Antiquité, avaient fermé le monde romain aussi complètement que celles de l’Atlantique. Au delà de la Manche qu’animent les bateaux reliant la Gaule à la Bretagne, il n’y avait plus de navigation, du moins plus de navigation commerciale. La situation resta la même jusqu’au ixe siècle. A part Quentovic (qui se substitua à Boulogne) et Duurstede, qui entretenaient quelques relations avec les Anglo-Saxons de Bretagne, toute la longue côte de l’Empire franc, jusqu’à l’embouchure de l’Elbe, était une côte morte, à peu près déserte. Plus loin, dans la Baltique, on entrait dans le domaine inconnu de la barbarie païenne. Ici la situation était donc exactement le contraire de celle qui existait aux bords de la Méditerranée. Au lieu de voisiner avec des civilisations plus avancées, l’Occident chrétien était en contact avec des peuples encore dans l’enfance. C’est pourtant sous l’influence de ces peuples que l’activité commerciale s’éveilla sur les eaux septentrionales. Chose curieuse, en effet, son foyer se trouve, non comme on pourrait le croire, sur les côtes de Flandre et d’Angleterre, mais dans le golfe de Bothnie et dans celui de Finlande. Et s’il en fut ainsi, c’est que l’attraction orientale et l’attraction byzantine se firent sentir jusqu’à ces lointaines contrées, si bien que cette même excitation du dehors, qui provoqua l’essor de la navigation italienne, fut aussi la bienfaisante initiatrice de celle du nord.

Nous avons déjà signalé ce fait en parlant des invasions scandinaves ; nous avons vu comment les Suédois, mi-conquérants et mi-marchands, apparurent, depuis le milieu du ixe siècle, sur les eaux du Dniepr et comment ils y fondèrent les premiers centres politiques autour desquels se cristallisa la masse encore amorphe de ces Slaves orientaux qui leur emprunta leur nom de « Russes ». Ces établissements restèrent, jusqu’à la fin du xie siècle, en rapports avec la patrie et en reçurent jusqu’alors un afflux de forces fraîches. Ils entretenaient, et très activement, des relations commerciales avec Byzance et les pays musulmans des bords de la Caspienne, au moins jusqu’à l’invasion des Petchénègues[1]. Constantinople

  1. C’est ce qui explique que l’on ait trouvé 20.000 pièces de monnaies arabes en Suède et une quantité en Russie.