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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/248

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que l’empereur n’appartient plus à la maison des Hohenstaufen. Aucun des deux partis qui se ruaient l’un sur l’autre ne connaissait au surplus l’origine de noms qu’ils avaient adoptés et qui, transportés au sein des querelles urbaines ne correspondaient plus en rien à leur appellation primitive. Guelfes et Gibelins étaient également républicains ; la seule différence entre eux était que ceux-ci espéraient l’appui de l’empereur contre leurs adversaires et que ceux-là, pour se maintenir au pouvoir, tendaient naturellement la main aux ennemis de l’empereur.

L’acharnement des partis à se détruire ne les empêchait pas de songer aux moyens d’affermir le gouvernement municipal. Dès la seconde moitié du xiie siècle, on cherche à le rendre indépendant des luttes civiles en le confiant à un podestat. Le podestat est pour ainsi dire un prince temporaire que la commune se donne à elle-même et que, pour garantir son impartialité et son indépendance à l’égard des partis, elle se choisit dans le sein d’une commune étrangère. Au reste l’institution ne donna pas les résultats qu’on en avait attendus. Presque toujours les podestats furent obligés, pour faire respecter leur pouvoir, de s’appuyer sur l’une des factions ennemies. Dans quelques villes, ils réussirent, dès le xiiie siècle, à s’emparer soit par ruse, soit par violence, grâce à la lassitude générale, de l’autorité suprême, et à fonder les premières de ces tyrannies qui devaient, à l’époque de la Renaissance, jouer un rôle considérable. Je pense ici aux Scaliger de Vérone et aux Visconti de Milan.

La fermentation politique et sociale des villes italiennes ne laissa pas d’influer sur leur vie religieuse. Le mysticisme et l’hérésie s’y répandent en même temps et donnent un nouvel aliment à la fièvre qui les brûle. Saint François d’Assise est le fils d’un marchand, et l’ordre des Franciscains trouva dans les bourgeoisies son véritable champ d’action. Mais elles fourmillaient aussi de Cathares, de Frères du libre Esprit, de Vaudois. En 1245, les Dominicains provoquent un soulèvement à Florence contre le podestat qu’ils accusent de favoriser les hérétiques. Les lois atroces édictées par Frédéric II contre ces derniers prouvent d’ailleurs que, dans les grandes villes du moins, leur nombre devait être considérable et qu’ils durent y jouer un rôle qu’il est malheureusement impossible d’apprécier avec quelque exactitude.

On ne peut guère douter qu’ils n’aient recruté la plupart de leurs partisans parmi les ouvriers occupés par l’industrie d’exportation.