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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/330

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versité d’Oxford, l’archevêque de Canterbury, avaient beau le taxer d’hérésie, ses ennemis le rendre responsable du grand soulèvement agraire de 1381, l’attitude du Parlement lui était si visiblement favorable qu’on n’osa le poursuivre et qu’il mourut paisiblement en 1384 dans sa paroisse de Lutterworth. Ce ne fut qu’à partir de l’avènement de Henri de Lancastre (Henri IV), que le roi, désireux d’acquérir à sa dynastie nouvelle l’appui du pape, prit position contre le Wyclifisme ou, pour employer le terme dont se servaient les adversaires des réformateurs, contre la secte des Lollards[1]. Dès le début de son règne (1399), il portait la première loi qui, en Angleterre, ait condamné les hérétiques au supplice du feu, interdisait la traduction de la Bible en langue nationale et faisait monter sur le bûcher Lord Cobham, le protecteur des Lollards à la Chambre des Lords (1417). Ces violences entravèrent le mouvement sans l’étouffer. Jusqu’à l’apparition du protestantisme, les disciples de Wyclif ne cessèrent pas d’agiter la pensée religieuse de l’Angleterre et de la préparer à la grande transformation du xvie siècle. D’ailleurs, au moment où la persécution s’abattait sur eux dans leur patrie, des émules enthousiastes à l’autre bout de l’Europe se passionnaient pour leur doctrine. Transplantée en Bohême par Jean Hus, elle allait, s’y associant au déchaînement des passions nationales et des instincts démocratiques, y ébranler d’une formidable secousse l’Église et l’Allemagne.

Au moment où il semblerait que la papauté ait dû rassembler toutes ses forces pour résister à ses ennemis, elle se précipitait dans la crise fameuse que l’on désigne sous le nom de grand schisme et qui déchira durant quarante ans la chrétienté occidentale (1373-1417). Nulle cause religieuse à cette catastrophe. La double élection qui en a été le point de départ fut sans nul doute restée un incident sans grande portée si, par intérêt politique, les États européens, répartis en deux groupes hostiles subissant l’un l’action de la France, l’autre celle de l’Angleterre, ne s’étaient hâtés de l’envenimer et d’en tirer parti. Que l’on y prenne garde cependant : si la politique séculière a poussé au schisme, l’a exploité et l’a fait durer, elle aurait été incapable de le faire naître. La vieille conception carolingienne qui, associant au gouvernement de l’Église le pape et l’empereur, avait jadis permis à ce dernier de faire nommer des anti-papes, avait perdu avec Frédéric Barberousse son dernier repré-

  1. « Lollium » signifie mauvaise herbe.