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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/365

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Luxembourg et le protectorat des principautés ecclésiastiques de Liége et d’Utrecht.

Il ne faut pas voir d’ailleurs dans cet État un de ces échafaudages de territoires comme ceux qu’élèvent à cette date les maisons de Luxembourg et de Habsbourg en Allemagne, et qui, ne tenant que par le lien fragile de l’union dynastique, s’écroulent aussi rapidement qu’ils s’élèvent. Si les populations y étaient différentes, la civilisation générale et les intérêts y étaient les mêmes. Rien n’eût été plus facile, si les peuples n’avaient pas tendu d’eux-mêmes à l’union, que de l’empêcher car les droits invoqués par Philippe à la succession du Hainaut, de la Hollande et du Brabant étaient au moins douteux. L’empereur Sigismond protestait rageusement contre cette annexion de fiefs impériaux à la puissance bourguignonne et excitait les États à la résistance. Ils ne l’ont pas écouté parce que l’ambition dynastique du prince était d’accord avec leur désir, si bien que, dans l’œuvre de l’unification des Pays-Bas, la nation a secondé d’elle-même les projets de la dynastie.

Par son admirable situation géographique, l’étendue de ses côtes, le nombre de ses villes, l’industrie et la richesse de ses habitants, l’État bourguignon n’avait d’égal en Europe que l’Italie. Mais sa création était pour la France l’échec des plans poursuivis par elle de règne en règne depuis le commencement du xiiie siècle, pour soumettre à son influence ces belles contrées qui couvraient sa frontière du nord. Il fallait s’attendre à ce que, remise de la crise terrible dont Philippe le Bon avait si bien profité, elle ne cessât plus de chercher à reprendre, dans les bassins de la Meuse et de l’Escaut, la prépondérance qui venait de lui échapper. Ses ennemis devaient s’acharner avec autant d’obstination à les lui disputer, si bien que la naissance de l’État bourguignon ouvre cette question des Pays-Bas qui, jusqu’au xixe siècle qui l’a enfin résolue, devait faire surgir tant de crises européennes et servir pour ainsi dire de manomètre dans les relations internationales des grandes puissances.