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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/371

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Excité par les adversaires des Napolitains, Louis de Bavière se crut assez fort pour accepter la lutte. Son excommunication et sa déposition prononcées par Jean XXII (1324) firent affluer vers lui les Frères Mineurs spirituels qui venaient comme lui d’être excommuniés, tandis que Marcile de Padoue prontait de sa querelle pour lancer contre le pape le Defensor Pacis. Étourdi, entraîné par cette opposition à la fois politique et théologique dont il était moins le centre que le prétexte, ne s’apercevant pas qu’elle ne cherchait qu’à se servir de lui sous couleur de le servir, il se laissa pousser dans une aventure qui devait le perdre. Son couronnement en 1327, au capitole, par deux évêques excommuniés et quatre syndics de la ville représentant le peuple, fut une mauvaise parodie où se combinèrent étrangement les souvenirs de l’anarchie du xe siècle avec ceux du républicanisme mystique d’Arnaud de Brescia. Après avoir ainsi accepté la couronne, Louis ne pouvait plus rien refuser ni au peuple romain en proie à l’une de ces crises d’orgueil qui le faisait se croire le maître du monde, ni aux ennemis de Jean XXII aveuglés par leurs rancunes et leurs rêves ou leurs illusions. Il laissa une assemblée populaire prononcer la déposition du pape, accusé d’hérésie et de lèse-majesté, et une commission d’ecclésiastiques et de laïcs nommer à sa place un moine mendiant qui prit le nom de Nicolas V. Le pauvre homme s’aperçut alors qu’il n’avait été qu’un figurant dans une comédie révolutionnaire. Épouvanté lui-même de ce qu’il avait fait, il prit piteusement le chemin du retour. Moins de deux ans après, les Romains suppliaient le pape de leur accorder l’absolution et Nicolas V, une corde au cou, venait se jeter à ses pieds à Avignon et implorer son pardon.

La mort de Jean XXII (1334), quelques jours après avoir prononcé dans une bulle solennelle la séparation de l’Italie d’avec l’Empire d’Allemagne, ne changea rien aux dispositions de la Curie à l’égard de Louis de Bavière. Benoît XII et Clément VI restèrent impitoyables, sans doute plus impitoyables que ne le méritait l’outrage inoffensif fait à la majesté du Saint-Siège. Pour lui, complètement désorienté, il s’épuisait à des essais de réconciliation hautainement repoussés. Un instant, il semble avoir espéré contraindre Avignon à la paix, en se liguant contre la France avec Édouard III. Ce fut une illusion de plus et elle ne dura pas longtemps. Complètement incapable de faire la guerre, non seulement il ne seconda pas Édouard, mais ne tarda pas à s’allier à Philippe de Valois. Si