Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/373

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 356 —

fils Wenceslas à la dignité de roi des Romains (1376). C’était la première fois depuis Frédéric II qu’un fils succédait à son père sur le trône d’Allemagne.

Le règne de Wenceslas (1370-1400) fut à vrai dire pour l’Allemagne un interrègne. Uniquement occupé de la Bohême, le roi se désintéressa complètement de tout le reste. Il ne songea ni à prendre la couronne impériale ni à intervenir dans les querelles incessantes des villes et des princes allemands. Les quatre électeurs du Rhin s’arrogèrent en 1400 le droit de le déposer et l’on peut considérer peut-être leur conduite en cette circonstance comme une sorte de protestation contre un roi qui affectait trop de montrer qu’il était étranger. S’ils voulurent, en donnant la couronne au comte palatin Rupert, opposer à leur souverain bohémien un souverain vraiment national, l’expérience échoua lamentablement. Le nouveau roi ne fut guère reconnu que par ceux qui l’avaient mis en avant. Il crut faire un coup de maître en se risquant en Italie. La couronne impériale lui aurait procuré quelque prestige et il comptait, chemin faisant, s’emparer de Milan, dont le duc Jean Galeas Visconti entretenait les meilleures relations avec la maison de Luxembourg. La naïveté de ce projet en dit long sur le sérieux politique d’un tel roi et de ses électeurs. Sans argent, il comptait que, sitôt qu’il aurait passé les monts, les Florentins, ennemis du Milanais, mettraient bénévolement leurs troupes à sa disposition. Mais Florentins comme Milanais n’eurent pour lui qu’un égal dédain. Arrivé à Brescia avec quelques chevaliers, il lui fut impossible de pousser plus loin. Il dut revenir couvert de honte, se cacher dans le Palatinat où il mourut en 1410. Sa mort rappela qu’il avait porté la couronne. Les électeurs, instruits par l’expérience, en revinrent à la maison de Luxembourg. Wenceslas avait deux frères, le margrave Jean de Moravie et Sigismond, roi de Hongrie ; ils les nommèrent l’un et l’autre, ne parvenant pas à vendre tous ensemble leurs voix au même candidat. L’Allemagne avait donc trois rois, car Wenceslas continuait imperturbablement à porter son titre. Heureusement la mort de Jean dès 1416 réduisit le nombre à deux, et quand Wenceslas eut lui-même disparu en 1419, Sigismond se trouva seul.

L’activité de ce dernier Luxembourgeois (1410-1437) contraste étrangement avec l’apathie de Wenceslas. L’intérêt de son royaume de Hongrie, d’année en année plus menacé par l’avance des Turcs, lui faisait espérer le salut d’une croisade contre ces infidèles. Et