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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/40

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longtemps cesse pour de longs siècles, et l’Europe d’aujourd’hui s’en ressent encore.

Obligé de faire front à l’est, l’Empire ne peut plus tenir sur le Danube. Les Bulgares, les Serbes, les Croates se répandent dans les Balcans et les villes seules restent grecques. Ils ne se mélangent pas à la population comme les Germains. L’Empire byzantin cesse d’être universel pour devenir un État grec.

Les Bulgares, en 677, soumettent les tribus slaves et se fondent avec elles, en Mésie. Au milieu du ixe siècle, leur prince Boris est converti par Methôdius et prend le nom de Michel.

L’Empire byzantin, désormais confiné entre la côte d’Illyrie et le Haut-Euphrate, consacrera le meilleur de ses forces à résister à la pression de l’Islam. Sa longue histoire, jusqu’au jour où il succombera enfin, au milieu du xve siècle, sous les coups des Turcs, aura encore des moments de splendeur et verra se développer une civilisation dont l’originalité consiste dans le mélange des traditions antiques avec le christianisme orthodoxe et une orientalisation croissante. Mais la plupart du temps, cette histoire sera étrangère à celle de l’Europe occidentale. Venise conservera seule le contact avec Byzance et trouvera, dans son rôle d’intermédiaire entre l’Occident et l’Orient, le point de départ de sa future grandeur. Au reste, si Byzance cesse d’intervenir en Occident, elle n’en exercera pas moins une influence qui lui survivra à travers les siècles. C’est elle qui a christianisé les Slaves du sud et de l’est ; Serbes, Bulgares et Russes, et c’est son peuple, qui, après avoir subi le joug turc pendant 400 ans, a reconstitué au xxe siècle la nationalité grecque.

Pour l’Occident, sa séparation d’avec Byzance le mettait dans une situation toute nouvelle. Elle semblait le reléguer a l’écart de la civilisation, car dès l’origine des âges, c’est de l’Orient que lui étaient venues toutes les formes de la vie policée et tous les progrès sociaux. Avec les Arabes, établis en Espagne et sur la côte d’Afrique, l’Orient, il est vrai, se rapprochait de lui. Mais entre son peuple chrétien et cet Orient musulman, la différence des confessions religieuses empêchait, en dépit du contact matériel, le contact moral. Pour la première fois, depuis la formation de l’Empire romain, l’Europe occidentale se trouvait isolée du reste du monde. La Méditerranée, par laquelle elle avait correspondu jusqu’alors avec la civilisation, se fermait devant elle. Ce fut là peut-être le résultat le plus important pour l’histoire universelle de l’expansion