Aller au contenu

Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/7

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
vi

Au centre du camp, une dizaine de baraques, entourées d’un treillis en fil de fer, renfermaient les femmes et les enfants. Tous les jours, de midi à trois heures, les femmes pouvaient sortir de cet enclos… Pour les enfants, dont un certain nombre étaient dans le camp, on voyait passer le matin ceux qui se rendaient aux écoles que la sollicitude de braves gens avait, tant bien que mal, aménagées pour eux.

Le fond de cette population hétérogène se composait naturellement d’hommes du peuple. Holzminden était le réceptacle où l’Allemagne versait, pêle-mêle, de tous les pays occupés, les indésirables ou les gêneurs. Une baraque proche de celle que j’occupais, abritait les pensionnaires de la prison de Loos, près Lille, parmi lesquels se trouvaient un certain nombre d’individus condamnés pour assassinat… À part quelques exceptions, tous ces hommes supportaient leur sort avec une résignation vraiment admirable. Les forces physiques de plusieurs finissaient par s’altérer ; il y avait des malades, des neurasthéniques, et l’on rencontrait des cas de folie ; mais chez presque tous le ressort mental restait intact. Et pourtant nombre d’entre eux étaient là depuis deux ans. C’étaient d’ailleurs les plus résolus. Ils avaient traversé les misères des premiers temps de la guerre, pâti de la brutalité des sentinelles, souffert du froid dans les baraques non chauffées l’hiver, assisté à l’agonie des malheureux Louvanistes versés dans le camp au mois de septembre 1914. Peu à peu on s’était organisé. Grâce aux envois des comités qui de toutes parts veillaient de loin sur les prisonniers, et grâce à ceux que l’on obtenait de sa famille et de ses amis, le régime alimentaire était devenu tolérable. On avait reçu des vêtements, des médicaments, des livres. L’initiative privée s’était ingéniée de mille manières. Des étudiants français avaient fait construire à leurs frais, une petite baraque, « l’Université », dans laquelle des professeurs, des ingénieurs faisaient des cours, et qui abritait une bibliothèque, dont un relieur bruxellois reliait les volumes. Des bureaux de bienfaisance s’étaient constitués. On avait créé des écoles pour les enfants. Des cafés et même des restaurants s’étaient ouverts. Des prêtres catholiques avaient installé une chapelle dans la baraque qu’ils habitaient. Des Belges avaient aménagé une place vide en jeu de balle ; ailleurs on rencontrait des jeux de quilles, un jeu de boules assidûment fréquenté par les Français du nord. Cependant le sport était peu pratiqué. L’espace manquait, et surtout la force physique, déprimée chez tous par la captivité et le manque d’exercice.

Peu de rapports au surplus avec les Allemands. Le général qui