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Page:Pirenne - Histoire de l’Europe, des invasions au XVIe siècle.djvu/76

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vité politique et économique du monde romain. Ce qui faisait leur importance, c’est la place qu’elles occupaient dans l’État, leur qualité de centres administratifs, la présence chez elles d’un personnel nombreux de fonctionnaires et les rapports que la population provinciale entretenaient nécessairement avec elles. Bref, leur situation était assez analogue à celle de ces villes des temps modernes qui ne font figure que grâce à la résidence d’une cour princière ou à l’avantage de posséder le siège de quelque grande institution d’État. Rome même ne différait à cet égard des cités provinciales que par l’éclat et l’importance qu’elle devait à la présence de l’empereur et du gouvernement central. L’histoire de sa décadence à partir du moment où Constantin la priva du rang et des profits de capitale du monde, se répète, en de moindres proportions dans toutes les villes de l’Occident, à mesure qu’au milieu des troubles de l’invasion, puis sous le gouvernement des rois germaniques, les fonctionnaires les abandonnent, que les bureaux, les tribunaux, les écoles se ferment, que la poste ne fonctionne plus, que l’inertie et l’incapacité de l’administration laisse tomber en ruines les ponts et les aqueducs, et disparaître la police et le ravitaillement.

Le commerce maritime avait conservé encore aux villes de la côte, jusqu’à l’époque des conquêtes musulmanes, une activité dont avaient bénéficié les régions voisines de l’intérieur. Il avait perdu, il est vrai, son principal marché d’exportation depuis que Rome appauvrie et dépeuplée ne requérait plus pour sa subsistance le blé des provinces. Pourtant, jusqu’au milieu du viie siècle, des marchands syriens et juifs avaient fréquenté encore assidûment les ports occidentaux et la Méditerranée. Au temps de Grégoire de Tours, une colonie juive de quelque importance subsistait à Clermont-Ferrand. Le papyrus employé par la chancellerie mérovingienne était importé de Sicile, ce qui prouve que la navigation fournissait encore des objets de consommation courante. Mais ces relations avec le monde byzantin cessèrent à partir du jour où la prépondérance de l’Islam ne permit plus aux commerçants chrétiens de se risquer au delà des eaux grecques et de l’Italie méridionale. Depuis lors, la mer ne fut plus, pour les pays d’Occident, la grande excitatrice de l’esprit d’entreprise. On ne la regarda plus qu’avec la terreur d’y voir poindre à l’horizon des voiles d’ennemis. Et de même que la Méditerranée était au pouvoir des Musulmans, la Mer du Nord n’était parcourue que par les barques des Scandinaves.