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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/162

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sociologie devront souvent faire usage de lois statistiques. Mais si personne ne doute que les prétendues oscillations fortuites des courbes observées, soit en climatologie, soit en démographie, soit dans l’établissement des tables de mortalité, n’en sont pas moins régies par des lois causales dans chaque cas particulier ; de même aussi tout physicien aura-t-il toujours le droit de se demander pourquoi tel atome d’uranium a fait explosion plusieurs millions d’années avant tel autre.

La science de la vie psychique, elle-même, ne pourra jamais se dispenser d’une causalité rigoureuse. L’existence du libre arbitre a souvent été invoquée à titre d’objection par les adversaires d’une extension universelle de la causalité. J’ai déjà montré, plus haut, qu’il n’y a aucune contradiction entre la causalité stricte et le libre arbitre. Mais l’argumentation que j’ai présentée a été parfois fort mal comprise, Il sera donc peut-être utile, en raison du très grand intérêt présenté par le sujet, de revenir en quelques mots sur ce sujet.

Le principe de causalité demande que les actes humains et tous les phénomènes psychologiques soient déterminés à chaque instant et chez tout homme par son état interne à l’instant précédent ainsi que par l’influence du milieu qui l’entoure. Or, nous n’avons aucun motif de douter de la vérité de cette proposition. Dans la question du libre arbitre, l’existence de cette dépendance n’est pas en question, il s’agit seulement de savoir si le sujet qu’elle concerne peut en prendre connaissance. C’est de ce point seul que dépend le fait, pour l’homme, de se sentir libre ou non. On ne pourrait refuser à quelqu’un la conscience de son libre arbitre que s’il pouvait, par application du principe de causalité, prévoir son propre avenir. Mais cela même est impossible, car cette hypothèse renferme en elle-même une contradiction. Toute connaissance véritablement complète suppose, en effet, que l’objet à connaître ne sera pas modifié par des phénomènes intervenant dans le sujet connaissant. Or c’est là une supposition incompatible avec le cas où le sujet et l’objet sont identiques. Ou, pour user de termes plus concrets, la connaissance d’un motif d’action volontaire est un événement interne du sujet qui peut être la source d’un nouveau motif et ainsi