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Page:Planck - Initiations à la physique, trad. du Plessis de Grenédan, 1941.djvu/96

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Aussi n’y a-t-il place dans le monde de Spinoza pour aucun hasard, pour aucun miracle.

Le dieu de Guillaume Leibnitz a derechef construit originellement tout l’univers sur un plan dont l’unité répondait à sa suprême sagesse ; en même temps il incorporait à chaque chose, d’avance et une fois pour toutes, les lois de son activité, de sorte que maintenant chacune se comporte et se développe uniquement par son être propre sans dépendre, au fond, en aucune autre manière d’autre chose. Aussi chez Leibniz, toute action réciproque d’une chose sur l’autre n’est-elle qu’apparente.

Ce fut donc le signe d’un progrès décisif que l’apparition, en face des conceptions rationalistes assez naïves que nous considérions à l’instant, d’un courant d’idées plus sceptiques venu d’Angleterre et qui commençait à faire son chemin, sous le nom d’empirisme. Il se caractérise, avant tout, par cette doctrine qu’il n’existe pas d’idées innées ni de connaissances déterminées et assurées d’avance telles que le rationalisme est obligé d’en supposer ; mais que notre âme, au moment de notre naissance est comme une page blanche où l’expérience écrira les premières lettres. Il n’y a, par suite, qu’une seule chose qui nous apporte quelque connaissance du monde extérieur et intérieur et c’est aussi la seule dont nous puissions parler tant soit peu avec assurance : nos expériences personnelles et, avant tout, les perceptions de nos consciences. Elles constituent donc le seul fondement solide, inattaquable de toutes nos pensées, son point de départ, le propre matériel dont notre intelligence et notre imagination se servent pour travailler. Ce que nous percevons comme chaud ou froid, comme bleu ou rouge, dur ou mou, nous en avons la certitude immédiate sans qu’une définition spéciale soit nécessaire ou même possible. On parle souvent, il est vrai, d’illusions des sens, comme par exemple dans le cas d’un mirage extraordinaire ; mais cela ne veut pas dire que la perception soit fausse : seules sont fausses les conclusions que nous tirons de la perception donnée. Ce qui nous trompe c’est notre intelligence et non pas nos sens.

La perception elle-même est quelque chose d’entièrement subjectif, aussi n’avons-nous pas le droit de conclure