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Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/31

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LE PREMIER ALCIBIADE.

que tu possèdes, renoncer à en acquérir jamais de plus grands ; oui, je crois que tu aimerais mieux mourir. Mais dans quelle espérance vis-tu donc ? Je vais te le dire. Tu es persuadé qu’aussitôt que tu auras harangué [105b] les Athéniens, et cela arrivera au premier jour, tu leur prouveras que tu mérites bien plus de crédit que Périclès et aucun des plus grands citoyens qu’ait jamais eus la république ; et alors tu ne doutes pas que tu ne deviennes tout puissant dans Athènes, et, par là, dans toutes les villes grecques, et même chez les nations barbares qui habitent notre continent[1]. Et si ce Dieu te disait encore que tu seras maître de toute l’Europe, [105c] mais que tu ne passeras pas en Asie et que tu n’y dirigeras pas les affaires, je pense que tu ne voudrais pas vivre pour si peu de chose, à moins de remplir la terre entière du bruit de ton nom et de ta puissance ; et je crois qu’excepté Cyrus et Xerxès, il n’y a pas un homme dont tu fasses cas. Voilà quelles sont tes espérances, je le sais, et ce n’est point une conjecture : c’est pourquoi, sentant bien que je te dis vrai, tu me demanderas peut-être : Socrate, qu’a de commun ce préambule [105d] avec ce que tu voulais me dire, pour m’expliquer la persévé-

  1. Les Thraces et les Macédoniens.