Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/397

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dis, c'est admettre que les lions et les cerfs, les taureaux et les singes, ont les mêmes dispositions en fait de courage.

[197a] LACHÈS.

Par tous les dieux, ce que tu dis là est très vrai, Socrate. Dis-nous donc, en bonne foi, Nicias, crois-tu que ces animaux, que nous reconnaissons tous pour courageux, soient plus éclairés que nous, ou oseras-tu, en contradiction avec tout le monde, leur contester le courage ?

NICIAS.

Jamais, Lachès, je n'appellerai courageux un animal ou un être quelconque, qui par ignorance ne craint pas ce qui est à craindre ; je l'appelle téméraire et insensé. Tu crois donc que j'appellerais courageux tous les enfans, [197b] qui, par ignorance, ne redoutent aucun péril ? A mon sens, être sans peur, et être courageux, sont deux choses bien différentes. Le courage, uni aux lumières, est très rare ; mais la témérité et l'audace, l'absence de peur et de lumières, rien n'est plus commun ; c'est le partage de presque tout le monde, hommes, femmes, enfans, animaux. Enfin, ceux que tu appelles courageux avec la multitude, je les appelle téméraires ; [197c] les courageux sont ceux qui sont éclairés, et voilà ceux dont je parle.