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Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/738

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LE BANQUET.

avec Phèdre sur d’autres choses qu’il a dites, je ne saurais convenir avec lui que l’Amour soit plus ancien que Saturne et Japet ; [195c] je soutiens au contraire qu’il est le plus jeune des dieux et qu’il est toujours jeune. Ces vieilles querelles de l’Olympe que nous racontent Hésiode et Parménide ont dû, si tant est qu’elles soient vraies, se passer plutôt sous l’empire de la nécessité que sous celui de l’Amour : car si l’Amour eût été avec les dieux il n’y eût eu parmi eux ni mutilations, ni chaînes, ni tant d’autres violences[1], mais la concorde et l’affection, comme depuis le règne de l’Amour. Il est donc certain qu’il est jeune, et de plus il est tendre et délicat. Mais il faudrait [195d] un Homère pour bien rendre toute la délicatesse de ce dieu. Homère dit d’Até, qu’elle est déesse et délicate :

Ses pieds sont délicats, et elle ne marche pas sur le sol,
Mais elle plane sur la tête des hommes[2].

C’est, je pense, prouver assez sa délicatesse qui ne peut souffrir un appui trop dur. [195e] Je me servirai pour l’Amour d’une preuve semblable. Il ne marche ni sur la terre ni sur des têtes qui déjà ne sont pas un point d’appui fort doux, mais il

  1. Voyez l’Euthyphron.
  2. Homère, Iliade, XIX, v. 92.