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LE BANQUET.

devais m’expliquer franchement. Je le poussai un peu, et lui dis : Socrate, dors-tu ? — Pas tout-à-fait, répondit-il. — Eh bien ! sais-tu ce que je pense ? — Quoi donc ? — Je pense, repris-je, que tu es le seul de mes amans qui soit digne de moi ; et il me semble que tu n’oses m’ouvrir ton cœur. Pour moi, je me trouverais fort déraisonnable de ne pas te complaire en cette occasion comme en toute autre où je pourrais t’obliger, [218d] soit par moi-même, soit par mes amis. Je n’ai rien tant à cœur que de me perfectionner, et je ne vois personne dont le secours puisse m’être en cela plus utile que le tien. En refusant quelque chose à un homme tel que toi, je craindrais bien plus d’être blâmé des sages que je ne crains d’être blâmé du vulgaire et des sots en t’accordant tout. À ce discours, il me répondit avec ce ton d’ironie qui lui est familier : Oui-dà, mon cher Alcibiade, tu ne me parais pas mal avisé, si ce que tu dis de moi est vrai, [218e] et si je possède en effet la vertu de te rendre meilleur ; vraiment tu as découvert là en moi une beauté merveilleuse et bien supérieure à la tienne ; à ce compte, si tu veux faire avec moi un échange, tu m’as l’air de vouloir faire un assez bon marché ; tu prétends avoir le réel de la beauté pour son apparence, tu me pro-