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Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, V et VI.djvu/791

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LE BANQUET.

personne n’osait sortir du quartier, ou du moins ne sortait que bien vêtu, bien chaussé, les pieds enveloppés de feutre et de peaux d’agneau ; lui ne laissait pas d’aller et de venir avec le même manteau qu’il avait coutume de porter, et il marchait pieds nus sur la glace plus aisément que nous qui étions bien chaussés ; au point que les soldats le voyaient de mauvais œil, [220c] croyant qu’il les voulait braver. Telle fut sa conduite.

Voici encore ce que fit et supporta cet homme courageux[1] pendant cette même expédition ; le trait vaut la peine d’être écouté. Un matin il se mit à méditer sur quelque chose, debout et immobile à la place où il était. Ne trouvant pas ce qu’il cherchait, il ne bougea point, et continua de réfléchir dans la même situation. Il était déjà midi : nos gens l’observaient et se disaient avec étonnement les uns aux autres que Socrate était là rêvant depuis le matin. Enfin, vers le soir, des soldats ioniens, après avoir soupé, [220d] apportèrent leurs lits de campagne en cet endroit, afin de coucher au frais (on était alors en été), et d’observer si Socrate passerait la nuit dans la

  1. Odyss. liv. IV, v. 242.