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Page:Platon - Œuvres, trad. Cousin, XI, XII et XIII.djvu/802

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CRITIAS.

durant les neuf mille ans écoulés jusqu’à ce jour, causèrent de vastes bouleversements, la terre, détachée des hauteurs par le cours des eaux, n’exhaussa point le sol comme en d’autres lieux, mais, en se roulant autour du rivage, alla se perdre dans les flots. Aussi, comme il arrive dans les longues maladies, notre pays, auprès de ce qu’il était autrefois, est devenu semblable à un corps malade tout décharné ; et la terre, se fondant de toutes parts, de grasse et de puissante qu’elle était, ne présente plus qu’un squelette aride. Avant que le territoire fût ainsi dégénéré, nos montagnes d’aujourd’hui n’étaient que des collines élevées : les plaines que nous appelons les champs de Phellée[1] avaient une terre grasse et fertile ; et les monts étaient couronnés de forêts dont on peut reconnaître des traces manifestes. Le temps n’est pas encore bien éloigné que, sur ces montagnes qui ne servent aujourd’hui qu’à nourrir des abeilles, on trouvait des arbres de haute futaye très-propres à être employés dans de grandes constructions dont il subsiste plus d’un débris. Il y avait d’ailleurs beaucoup de grands arbres à fruits ; les troupeaux avaient de vastes pâturages. Les pluies que Jupiter accordait

  1. Étienne de Byzance, au mot Φελλ. ; le Scholiaste d’Aristophane, Acharn. 71, et Ruhnken, Tim., gloss., p. 269.