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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/240

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LA RÉPUBLIQUE

suis sûr, que je fais une harangue. Laisse-moi donc parler à ma guise, ou, si tu veux interroger, interroge, et moi, comme on en use avec les vieilles femmes qui font des contes, je laisserai dire et je répondrai oui et non par un signe de tête.

Ne réponds pas du moins, dis-je, contre ta pensée.

Je répondrai comme il te plaira, dit-il, puisque tu ne veux pas me laisser parler. Que désires-tu de plus ?

Rien, par Zeus, dis-je ; mais si tu veux me répondre, fais-le ; je vais t’interroger.

Eh bien ! interroge.

Je te poserai donc la même question que tout à l’heure ; car je veux continuer méthodiquement 351la discussion : qu’est ce que la justice par rapport à l’injustice ? Il a été dit à un moment que l’injustice était plus puissante et plus forte que la justice ; mais à présent, dis-je, s’il est vrai que la justice est sagesse et vertu, il est facile, je pense, de montrer qu’elle est plus forte que l’injustice, puisque l’injustice est ignorance ; c’est une conclusion incontestable. Mais je n’userai pas, Thrasymaque, d’une démonstration aussi simple, et je vais examiner la question d’un autre point de vue. N’y a-t-il pas, dis-moi, bd’État qui soit injuste et qui tâche d’asservir ou ait asservi injustement d’autres États, ou qui en tienne plusieurs en esclavage ?

Sans doute, répondit-il, et l’État le meilleur et le plus parfaitement injuste sera le premier à le faire.

C’est la thèse que tu as soutenue, je le sais ; mais de cette thèse je ne retiens que ce point : est-ce qu’un État qui se rend maître d’un autre peut exercer sa domination sans employer la justice, ou s’il sera contraint d’y avoir recours ?

cS’il en est, dit-il, comme tu l’affirmais tout à l’heure, si

    de l’individu lui-même, elle les empêche de concerter leur action et les réduit à l’impuissance. Ennemis d’eux-mêmes, les hommes injustes auront encore pour ennemis les justes, et les dieux, qui sont justes. Si l’on voit parfois des méchants associés réussir dans quelque entreprise injuste, c’est qu’ils gardaient entre eux quelque justice qui les empêchait de se nuire les uns aux autres.

    Il y a un point faible dans cette argumentation, c’est l’exacte correspondance que Platon établit entre une communauté et un individu. Les gens d’une même communauté ne peuvent agir en commun parce que la volonté des uns contrarie la volonté des autres ; mais est-il vrai que l’injustice empêche l’individu d’agir ? Les gens injustes ne sont que trop actifs, Platon le remarquera lui-même, 610 D.