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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/320

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LA RÉPUBLIQUE

et les héros contre leurs proches et leurs amis. Au contraire, si nous voulons leur persuader que jamais un citoyen n’a eu de haine pour un autre citoyen et qu’une telle haine est un crime[1], ce sont là les maximes que les vieillards des deux sexes doivent répéter aux enfants, det quand les enfants deviennent grands, les poètes aussi ne devront composer pour eux que des fables conformes à ces maximes. Mais de raconter qu’Héra a été chargée de chaînes par son fils, qu’Héphaistos a été précipité par son père pour avoir voulu défendre sa mère contre les coups de son époux, et que les dieux se sont livré tous les combats imaginés par Homère, voilà ce que nous n’admettrons pas dans notre république, qu’il y ait ou non allégorie dans ces fictions ; car un enfant n’est pas en état de discerner ece qui est allégorique de ce qui ne l’est pas, et les impressions qu’il reçoit à cet âge sont d’ordinaire ineffaçables et inébranlables. C’est pourquoi sans doute il importe extrêmement que les premières choses qu’il entend soient les fables les mieux imaginées pour le porter à la vertu.


Les fables doivent
représenter Dieu
tel qu’il est.

XVIII  Cela est sensé, dit-il. Mais si on voulait savoir encore ce que nous entendons par là et quelles sont ces fables, que dirions-nous ?

Je lui répondis : Adimante, nous ne sommes poètes, ni toi, ni moi, 379en ce moment, mais fondateurs d’État ; en cette qualité, il nous appartient de connaître les modèles suivant lesquels les poètes doivent composer leurs fables et leur défendre de s’en écarter ; mais ce n’est pas à nous d’en composer.

C’est juste, dit-il ; mais je voudrais savoir précisément quels sont ces modèles qu’il faut suivre pour parler des dieux.

  1. Ce que Platon trouve de plus répréhensible dans les républiques de son temps, et en particulier dans celle d’Athènes, c’est la division entre les démocrates et les oligarques, entre les riches et les pauvres, division mortelle à la paix intérieure, fatale à l’indépendance de l’État. Ce qu’il veut avant tout, c’est que les citoyens, au lieu d'être ennemis les uns des autres, soient amis. Pour établir cette concorde, il inventera au besoin une théologie nouvelle, qu’il expose dans un mythe III, 414 ; car une sanction religieuse lui paraît indispensable.