Aller au contenu

Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/328

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
380 e
86
LA RÉPUBLIQUE

moins sujettes à être transformées et changées par une cause étrangère ? Par exemple les corps les plus sains et les plus robustes ne sont-ils pas les moins affectés par la nourriture, la boisson, la fatigue, et les plantes les plus vigoureuses, par la chaleur du soleil, 381les vents et autres accidents semblables ?

Sans doute.

Et s’il s’agit de l'âme, n’est-ce pas la plus courageuse et la plus sensée qui est la moins troublée et altérée par les accidents extérieurs ?

Si.

Il faut admettre aussi pour la même raison que, parmi tous les objets composés, vases, édifices, vêtements, ceux qui ont été bien travaillés et sont en bon état sont ceux que le temps et les autres agents de destruction altèrent le moins.

C’est juste.

bDonc tout être parfait, qu’il tienne sa perfection de la nature, ou de l’art, ou de l’une et l’autre, est le moins exposé à un changement venu du dehors.

Il le semble.

Mais Dieu, avec tout ce qui tient à sa nature, est absolument parfait.

Sans doute.

Et par là le moins susceptible de recevoir plusieurs formes[1].

Le moins susceptible, assurément.


XX  Mais ne peut-il changer et se transformer lui-même ?

Évidemment si, répondit-il, s’il est vrai qu’il se transforme.

Mais se change-t-il en mieux et en plus beau, ou en pis et en plus laid ?

381Si vraiment il change, dit-il, c’est nécessairement en pis ; car nous n’avons garde de dire qu’il manque à Dieu aucun degré de beauté ou de vertu.

Rien de plus juste, dis-je ; mais, s’il en est ainsi, penses-tu,

  1. Cette doctrine de l’immutabilité de Dieu avait déjà été enseignée par Xénophane et les Eléates ; mais en dehors des cercles philosophiques, on en trouve peu de traces avant Platon. Dieu immuable et simple doit être un modèle pour les citoyens de la cité idéale ; car le but de notre activité doit être de ressembler à Dieu dans la mesure du possible (ὁμοίωσις θεῷ κατὰ τὸ δυνατόν Théét. 176 B).