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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/360

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392 d
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LA RÉPUBLIQUE

les poètes n’est-il pas le récit d’événements passés, présents ou futurs ?

Ce ne peut pas être autre chose, répondit-il.

Eh bien ! le récit dont ils usent n’est-il pas simple, imitatif, ou l’un et l’autre à la fois ?

Ceci aussi, dit-il, je te demanderai de l’expliquer plus clairement.

Je suis, à ce qu’il paraît, dis-je, un plaisant maître, je ne sais pas me rendre clair. Je vais donc faire comme les gens qui ne savent pas s’expliquer ; au lieu d’embrasser la question dans sa généralité, eje n’en prendrai qu’une partie, et j’essaierai de t’y montrer ce que je veux dire. Réponds-moi : tu sais par cœur le commencement de l’Iliade, où le poète raconte que Chrysès pria Agamemnon de lui rendre sa fille, que celui-ci s’emporta et que le prêtre, se voyant 393 a refusé, 393invoqua le dieu contre les Grecs ?

Oui.

Tu sais donc que jusqu’à ces vers :

« et il conjurait tous les Grecs et en particulier les deux Atrides, chefs des peuples »

le poète parle en son nom et ne cherche même pas à nous donner le change et à nous faire croire que c’est un autre que lui qui parle. Pour ce qui suit, au contraire, il le raconte, comme s’il était lui-même Chrysès, bet il s’efforce de nous donner autant que possible l’illusion que ce n’est pas Homère qui parle, mais bien le vieillard, prêtre d’Apollon ; et c’est à peu près ainsi qu’il a composé tout le récit des événements qui se sont passés à Ilion, à Ithaque et dans toute l’Odyssée.

C’est vrai, dit-il.

N’y a-t-il pas récit quand il rapporte, soit les divers discours prononcés, soit les événements intercalés entre les discours ?

Évidemment si.

cMais lorsqu’il prononce un discours sous le nom d’un

    sien de l’âme et réagit sur elle, le mot μίμησις prend une importance morale et Platon l’applique à des matières qui touchent au caractère ou à la conduite (394 E, 395 C). Enfin au livre X, le point de vue psychologique faisant place au point de vue métaphysique, le mot acquiert une valeur ontologique ou métaphysique.