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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/392

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LA RÉPUBLIQUE

aimé quelque personne de la sorte, et je ne te le reproche pas. Mais dis-moi, l’abus du plaisir s’accorde-t-il avec la tempérance ?

Comment cela pourrait-il être, puisqu’il ne trouble pas moins l’âme que la douleur ?

Et avec la vertu en général ?

403Non.

Et avec la violence et l’incontinence ?

Plus qu’avec toute autre chose.

Mais peux-tu citer un plaisir plus grand et plus vif que le plaisir d’amour ?

Non, dit-il, et il n’y en a pas de plus furieux.

Au contraire l’amour qui est selon la raison est un amour sage et réglé de l’ordre et de la beauté.

Certainement, dit-il.

bIl ne faut donc laisser approcher de l’amour raisonnable ni la folie, ni rien qui touche à l’incontinence.

Non.

Il ne faut donc pas en laisser approcher ce plaisir d’amour, et il ne doit avoir aucune part dans les relations de l’amant et de l’enfant qui s’aiment d’une affection honnête.

Non, par Zeus, Socrate, dit-il, il ne faut pas l’en laisser approcher.

La conséquence me semble nette : tu poseras en loi dans l’État dont nous traçons le plan que l’amant devra baiser le jeune garçon, s’approcher de lui et le toucher comme s’il était son fils, en vue d’un noble but[1], s’il peut gagner son cœur, et qu’en général ses relations avec l’objet de ses soins ne doivent pas laisser soupçonner cqu’il soit allé plus loin, s’il ne veut pas encourir le reproche d’homme sans éducation et sans délicatesse.

Tu as raison, dit-il.

Ne trouves-tu pas, comme moi, repris-je, que notre discussion sur la musique est arrivée à son terme ? Elle finit du

  1. Le but de l’amour tel que l’entend Platon (Banquet 206 B) est l’enfantement dans le beau, τόκος ἐν καλῷ. L’amant doit enfanter dans l’âme de celui qu’il aime de nobles pensées et de généreuses aspirations. Socrate est sous ce rapport l’amant idéal (Banquet 216 D). Cf. Dugas, L’amitié antique, pp. 50-53.