Aller au contenu

Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/66

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
lx
INTRODUCTION

philosophes enfin, suprême espoir que nous imaginerions incarné peut-être dans le jeune Denys, si ce n’était là une anticipation risquée sur un avenir probablement lointain. En tout cas, si Platon vint pour la première fois à Syracuse le cœur plein, comme dit la Lettre VII, de telles pensées sur l’alliance nécessaire de la force et de l’idée et sur sa réalisation possible par le chef ou l’héritier d’un gouvernement absolu, la conquête qu’il fit à cette cour en gagnant à ses rêves le jeune Dion, beau-frère de Denys Ier, ne pouvait que renforcer sa foi. Au moment où il rédige ce sixième Livre de la République, le dilemme « Ou les philosophes devenant rois ou les rois devenant philosophes », logiquement né du développement de sa pensée à partir au moins du Gorgias, se colore nécessairement des espoirs entretenus par cette conversion d’un prince, sinon héritier, du moins parent, auxiliaire et ami d’un tyran. Le roi ou tyran devenant philosophe simplifie le passage du désordre à l’ordre, car lui seul fera sans peine et sans délai l’épuration nécessaire, et livrera tout de suite aux législateurs cette tabula rasa sur laquelle ils doivent écrire (501 a). Mais il n’est, en tant que tyran ou roi, qu’un transmetteur. Les agents durables du salut sont les philosophes, que nous verrons, après une longue formation théorique et pratique, passer tour à tour de la contemplation du Bien au gouvernement actif de la cité.


L’éducation
des gouvernants.
L’idée du Bien.

Nous avons déjà parlé du choix des gouvernants et des épreuves qu’ils devraient subir, mais nous ne l’avons fait alors que d’une façon enveloppée, car nous avions peur de prononcer le mot qu’il a bien fallu dire enfin : nos gardiens les plus parfaits doivent être autant de philosophes. Ils seront peu nombreux, vu l’alliance rare que nous en exigeons et que Platon décrira si souvent : un esprit vif et brillant dans une âme calme et ferme (Rép. 503 b/d ; Théét. 144 a/b, 194 e et suiv. ; Politique 306-310). Sur la formation des caractères, nous avons dit alors ce qu’il fallait. Reste la formation supérieure de l’esprit : elle se fera par une série échelonnée d’études, par un grand circuit, qu’il n’est point en notre pouvoir d’abréger pour nos futurs gouvernants (504 b/d).

Où donc doit les mener ce grand circuit ? À quelque chose