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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VI.djvu/71

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INTRODUCTION

d’autre part, les originaux, qu’ils soient des animaux, des plantes ou des objets fabriqués. Nous dirons alors que l’image a autant, c’est-à-dire aussi peu, de vérité par rapport à l’original, que l’objet de l’opinion en a par rapport à l’objet de la science. Si nous transportons au segment intelligible la même division et le même rapport, nous aurons encore, d’un côté, des images et, de l’autre, des objets purs. Un certain emploi des images, en effet, est encore indispensable dans les premières sciences rationnelles que nous rencontrons : les sciences mathématiques. Elles ont pour véritable objet l’invisible, mais ne peuvent raisonner sur lui qu’en le rendant visible par un artifice et une suppléance : la géométrie, par exemple, traite du triangle en soi et du cercle en soi, du rectangle en soi et de sa diagonale, et cependant, pour suivre plus facilement les opérations tout idéales qu’elle pratique sur eux, leur substitue, dans une intuition sensible, les grossières approximations que lui en offrent les corps ou qu’elle dessine et fabrique elle-même. Les sciences mathématiques ont encore une autre infériorité : ces réalités purement rationnelles qu’elles étudient, elles ne les traitent pas rationnellement jusqu’au bout, elles ne s’en rendent pas totalement raison. Arithmétique et géométrie, par exemple, commencent par se donner leurs objets avec leurs propriétés essentielles et leurs lois fondamentales, mais de quel droit font-elles cela ? elles ne s’en inquiètent pas. Elles les supposent donnés, elles les postulent, et leurs positions fondamentales ne sont pas ainsi des points de départ justifiés, des fondements et des bases véritables, mais des postulats et des hypothèses. Partant de ces hypothèses initiales, elles vont de déduction en déduction, par une démonstration rigoureuse, jusqu’aux conclusions qu’elles cherchaient, mais, tout le long du chemin, elles se sont appuyées sur des images tout en raisonnant sur des objets purement rationnels, et, avant de se mettre en chemin, n’ont pas su remonter au delà des hypothèses pour les supprimer et leur substituer un principe absolument indiscutable (511 a).

Ce qu’elles ne peuvent faire, une autre science le fait, qui, elle, est rationnelle jusqu’au bout : c’est la Dialectique. Si elle part, elle aussi, d’hypothèses, ce n’est plus en les acceptant telles quelles comme évidentes pour en déduire immédiatement les conséquences, mais en les regardant comme