Aller au contenu

Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 1.djvu/76

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
439 b
37
LA RÉPUBLIQUE IV

le même principe produise par la même partie de lui-même relativement au même objet des effets contraires.

Ce n’est pas possible en effet.

De même, à mon avis, on a tort de dire de l’archer que ses mains repoussent et attirent l’arc en même temps ; la vérité c’est que l’une repousse et que l’autre attire[1].

cAssurément, dit-il.

N’est-il pas vrai qu’il y a parfois des gens qui ont soif et qui ne veulent pas boire ?

Oui, dit-il : on en voit beaucoup et souvent.

Que faut-il penser de ces gens-là, continuai-je, sinon qu’il y a dans leur âme un principe qui leur ordonne de boire, et un autre qui les en empêche, principe qui diffère du premier et qui l’emporte sur lui ?

C’est ce que je crois, dit-il.

Est-ce que le principe qui fait de telles défenses, quand il se rencontre dans l’âme, dne vient pas de la raison, tandis que les impulsions et les entraînements ont pour cause les affections et les maladies ?

Il semble.

Nous aurions donc, repris-je, raison de penser que ce sont deux principes distincts l’un de l’autre ; l’un, celui par lequel l’âme raisonne, que nous appelons raison ; l’autre, celui par lequel elle aime, a faim et soif et devient la proie de toutes les passions, que nous appelons déraison et concupiscence et qui est l’ami d’un certain genre de rassasiements et de plaisirs.

eOui, dit-il, il est naturel d’en juger ainsi.

Tenons donc pour certain, repris-je, que ces deux principes sont dans notre âme. Et maintenant, dans la colère et la partie colérique de notre âme, reconnaîtrons-nous un troisième principe ? sinon, duquel des deux sa nature la rapproche-t-elle[2] ?

  1. Il se peut que Platon se soit souvenu ici d’Héraclite : παλίντροπος ἁρμονίη ὅκωσπερ τόξου καὶ λύρης (Fr. 45 Byw.).
  2. L’analogie entre la cité et l’âme continue ; mais le parallèle n’est plus tout à fait exact. La différence entre θυμοειδές et λογιστικόν dans l’âme est plus grande que celle qui est entre les auxiliaires et les gouvernants. Ceux-ci sont une partie choisie des auxiliaires ; le λογιστικόν, au contraire, n’est pas une partie choisie du θυμοειδές, mais quelque chose de génériquement distinct de lui.