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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 1.djvu/78

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LA RÉPUBLIQUE IV

Peut-être du second, dit-il, du concupiscible.


La colère aussi
est distincte de la
concupiscence et de
la raison.

C’est ce que je crois, dis-je, sur la foi d’une anecdote que j’ai entendue un jour. La voici : Léontios[1], fils d’Aglaïon, remontant du Pirée, et longeant l’extérieur du mur septentrional, s’étant aperçu qu’il y avait des cadavres étendus dans le lieu des supplices, sentit à la fois le désir de les voir et un mouvement de répugnance qui l’en détournait. Pendant quelques instants il lutta contre lui-même 440et se couvrit le visage ; mais à la fin, vaincu par le désir, il ouvrit les yeux tout grands et courant vers les morts, il s’écria : « Tenez, malheureux, jouissez de ce beau spectacle. »

Je l’ai entendu conter, moi aussi, dit-il.

Cette anecdote, repris-je, montre que la colère est parfois en guerre avec le désir et qu’ils diffèrent l’un de l’autre.

En effet, dit-il.


XV  Ne remarquons-nous pas de même en mainte occasion, dis-je, que, lorsqu’un homme est entraîné par ses passions malgré la raison, bil se gourmande lui-même, se met en colère contre cette partie de lui-même qui lui fait violence et que, dans cette sorte de duel, la colère se range dans un tel homme du côté de la raison ? Mais que la colère s’associant aux passions, quand la raison décide qu’il ne faut pas le faire, lui oppose de la résistance, je ne pense pas que tu puisses dire avoir observé pareille chose ni chez toi, ni chez quelque autre.

Non, par Zeus, dit-il.

cAinsi, repris-je, quand un homme est persuadé qu’il a tort, n’est-il pas vrai que, plus il est généreux, moins il peut se fâcher des tourments de la faim et du froid ou de tout autre mauvais traitement, quand il n’y voit que de justes repré-

  1. Nous avons un fragment du poète comique Théopompe relatif à ce Léontios : Λεωτροφίδης ὁ τρίμνεως Λεοντίῳ  : Léotrophidès, homme de trois livres (c’est-à-dire très léger) paraît à Léontios beau de teint et charmant comme un mort (Com. Att. Frag. I, p. 789 Kock).