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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 1.djvu/80

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LA RÉPUBLIQUE IV

sailles de l’offensé, et que, comme je le disais, sa colère ne saurait s’élever contre lui ?

C’est la vérité, dit-il.

Et au contraire s’il se croit victime d’une injustice, n’est-il pas vrai qu’il en bout de colère, qu’il s’indigne et combat pour ce qui lui paraît être la justice, qu’il endure avec constance la faim, dle froid et autres traitements du même genre jusqu’à ce qu’il ait triomphé, et qu’il ne cesse pas ses généreux efforts avant d’avoir obtenu satisfaction, ou d’avoir trouvé la mort, ou d’être apaisé par la raison, qui le rappelle à elle comme le berger rappelle son chien ?

Ta comparaison, dit-il, est fort juste ; elle l’est d’autant plus que nous avons établi que les auxiliaires seraient soumis comme des chiens aux magistrats qui sont les bergers de la cité.

Tu saisis admirablement ma pensée, dis-je ; mais considère encore ceci.

eQuoi ?

C’est qu’il est visible que la colère est le contraire de ce qu’elle nous paraissait être tout à l’heure. Nous la prenions en effet pour une variété du désir ; maintenant nous sommes bien éloignés de le dire ; nous dirions plutôt que, quand il s’élève une sédition dans l’âme, elle prend les armes en faveur de la raison[1].

C’est très exact.

Est-elle différente de la raison aussi, ou n’en est-elle qu’une variété, en sorte qu’il y aurait dans l’âme, non pas trois parties, mais deux, la raison et le désir ; ou bien, de même que l’État est composé de trois ordres, des mercenaires, des guerriers et des magistrats, 441y a-t-il aussi dans l’âme une troisième partie, qui est la colère, laquelle soutient naturellement la raison, quand elle n’a pas été gâtée par une mauvaise éducation ?

  1. Jusqu’à présent le θυμοειδές a été principalement la source du courage et l’antithèse naturelle du φιλόσοφον. Il est maintenant l’allié du λογιστικόν, et il devient ainsi beaucoup plus intellectuel. Il prend aussi une valeur morale qu’il n’avait pas : ce n’est plus une simple disposition de l’esprit, c’est un sentiment d’indignation morale en présence de toute mauvaise action qui tend à détruire la constitution de la cité.