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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/104

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573 c
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LA RÉPUBLIQUE IX

Ainsi, mon noble ami, repris-je, rien ne manque à un homme pour être tyrannique, quand la nature ou les habitudes ou les deux ensemble l’ont fait ivrogne, amoureux et fou.

Non, vraiment.


La vie de l’homme
tyrannique.

III  C’est ainsi, semble-t-il, que se forme aussi l’homme de caractère tyrannique ; mais comment vit-il ?

dJe te répondrai, dit-il, comme on fait en plaisantant : c’est toi qui vas me le dire[1].

Soit, dis-je. Je m’imagine que désormais ce ne sont que parties de plaisir, festins, courtisanes et débauches de toute sorte chez celui qui a laissé le tyran Éros s’introniser dans son âme et en gouverner tous les mouvements.

C’est forcé, dit-il.

Dès lors, chaque jour, chaque nuit, ne germe-t-il pas à côté de l’amour une foule de désirs violents et pleins d’exigences ?

Oui, une foule.

Alors ses revenus, s’il en a, sont bientôt dépensés ?

Il n’en saurait être autrement.

eAprès cela, il emprunte et il écorne son patrimoine.

Sans doute.

Et quand il ne lui restera plus rien, n’est-il pas inévitable que cette foule de désirs violents nichés[2] dans son âme crient, et que lui-même piqué par l’aiguillon des désirs et surtout par l’amour même, le chef auquel tous les autres désirs servent d’escorte, coure çà et là comme un forcené, cherchant du regard ceux qui possèdent quelque chose, pour les dépouiller, si possible, 574par fraude ou par force ?

Assurément, dit-il.

Il faut donc qu’il pille de tous côtés, s’il ne veut être en proie à de grandes douleurs et à de grandes angoisses[3].

  1. Παρομία ἡνίκα τις ἐρωτηθείς τι ὑπὸ γινώσκοντος τὸ ἐρωτηθέν, αὐτὸς ἀγνοῶν ἀποκρίνηται· σὺ καὶ ἐμοὶ ἐρεῖς (Schol.). Cf. Phil. 25 b.
  2. Longin, comme l’a remarqué Ast, a copié le mot niché (ἐννενεοττευμένας) Περὶ ὕψους.
  3. Ceci répond à ce qui se passe dans l’État, VIII 568 d sqq.