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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/114

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LA RÉPUBLIQUE IX

malheur, en juges-lu de même ou autrement ? Ne nous laissons pas éblouir à la vue du tyran, qui n’est qu’une unité, ni de ses favoris, qui ne sont qu’un petit nombre, mais comme il est nécessaire de pénétrer dans l’intérieur de la cité et de la considérer dans son ensemble, eglissons-nous partout et voyons tout avant de donner notre avis.

Ce que tu demandes est juste, dit-il ; et il est évident pour tout le monde qu’il n’y a pas d’État plus malheureux que l’État tyrannique, ni de plus heureux que l’État royal.

Il serait donc juste aussi, continuai-je, de demander les mêmes précautions pour l’examen 577des individus, de n’accorder le droit de prononcer sur leur compte qu’à celui qui est assez intelligent pour entrer dans le caractère d’un homme et en pénétrer le secret, qui ne se laisse pas étonner, comme un enfant qui ne voit que les apparences, par la pompe que le tyran déploie pour en imposer à la multitude, mais qui sait percer jusqu’au fond des choses. Si donc je prétendais que nous devons tous écouter celui qui d’abord serait capable de juger, qui ensuite aurait vécu sous le même toit que le tyran, qui aurait été témoin de sa vie domestique et des rapports qu’il entretient bavec ses familiers, dans la compagnie desquels il se laisse le mieux voir dépouillé de son appareil théâtral, qui l’aurait vu en outre aux heures de danger public, si je priais l’homme qui a vu tout cela de prononcer sur le bonheur ou le malheur du tyran comparé aux autres hommes…

Ici encore tu ne demanderais rien que de très juste, dit-il.

Eh bien, repris-je, veux-tu que nous feignions d’être nous-même de ceux qui seraient capables de juger et qui ont eu commerce avec des tyrans, afin que nous ayons un interlocuteur qui puisse répondre à nos questions ?

Oui, certes.


La vie du tyran.

VcEh bien ! allons, dis-je ; suis-moi dans cet examen. Rappelle-toi que l’État et l’individu se ressemblent, et, les considérant alternativement point par point, dis-moi ce qui arrive à l’un et à l’autre.

    pour ses plus fidèles amis, ce qui le conduira bientôt à sa perte et fera disparaître toute sa puissance. » Cf. Lois 713 c, 875 b.