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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/130

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581 d
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LA RÉPUBLIQUE IX

C’est bien son opinion, dit-il.

Quant au philosophe[1], repris-je, quel cas, selon nous, fera-t-il des autres plaisirs en comparaison du plaisir de connaître la vérité telle qu’elle est, eet d’en jouir continuellement en apprenant ? Ne pense-t-il pas qu’ils sont fort loin du vrai plaisir ? et s’il appelle ces autres plaisirs des plaisirs nécessaires, n’est-ce pas au vrai sens du mot, attendu qu’il se passerait fort bien d’eux, si la nécessité ne les lui imposait ?

Il en est sûrement ainsi, dit-il.


VIII  Maintenant, repris-je, puisque nous discutons des différentes espèces de plaisir et de la vie même qui en résulte, non pas pour savoir quelle est la plus honnête ou la plus malhonnête, la pire ou la meilleure, mais bien la plus agréable et la plus exempte de chagrin, 582comment reconnaître quel est celui de nos trois hommes qui dit le plus vrai ?

Je ne me sens pas de force à répondre, dit-il.

Eh bien, voyons la chose de cette manière. Quelles sont les qualités requises pour bien juger ? N’est-ce pas l’expérience, l’intelligence et le raisonnement ? Y a-t-il de meilleurs moyens de juger que ceux-là ?

Non, dit-il.

Continuons notre examen. De nos trois hommes, lequel a le plus d’expérience de tous les plaisirs dont nous venons de parler ? Crois-tu que l’homme intéressé, s’il s’appliquait aussi à connaître ce qu’est la vérité en soi, aurait plus d’expérience du plaisir de la science bque le philosophe du plaisir du gain ?

Il s’en faut de beaucoup, dit-il ; car enfin c’est une nécessité pour le philosophe de goûter dès l’enfance les deux autres sortes de plaisirs, tandis que pour l’homme intéressé, s’il s’applique à connaître ce que sont les essences, ce n’est pas une nécessité qu’il goûte la douceur de ce plaisir et qu’il en acquière l’expérience ; je dirai même qu’en dépit du zèle qu’il peut y porter, la chose est difficile pour lui.

Ainsi, repris-je, le philosophe l’emporte de beaucoup sur l’homme intéressé par l’expérience qu’il a de l’un et l’autre de ces plaisirs,

cOui, de beaucoup.

  1. Sur les plaisirs du philosophe, cf. Phédon 64 d.