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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/132

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582 C
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LA RÉPUBLIQUE IX

Et comparé à l’ami des honneurs, le philosophe a-t-il moins l’expérience du plaisir attaché aux honneurs que l’ami des honneurs du plaisir qui suit la sagesse ?

Mais l’honneur, répondit-il, si chacun d’eux atteint le but qu’il se propose, ne manque à aucun d’eux ; car le riche, le brave et le sage sont tous trois honorés par la multitude, en sorte que tous connaissent par expérience ce qu’est le plaisir attaché aux honneurs ; au contraire le plaisir que donne la contemplation de l’être, le philosophe seul, à l’exclusion de tout autre, est capable de le goûter.

dPar conséquent, repris-je, sous le rapport de l’expérience, c’est lui qui juge le mieux des trois.

De beaucoup.

J’ajoute qu’il sera le seul qui joigne l’intelligence à l’expérience.

C’est incontestable.

Il en est de même de l’instrument qui sert à juger : il n’appartient ni à l’homme intéressé, ni à l’ami des honneurs, mais au philosophe.

Quel est cet instrument ?

Le raisonnement. N’avons-nous pas dit qu’il était indispensable pour juger[1] ?

Si.

Or le raisonnement est l’instrument par excellence du philosophe.

Sans contredit.

Or si la richesse et le gain étaient la meilleure règle des jugements, ce que l’homme intéressé elouerait ou blâmerait serait infailliblement ce qui est le plus digne de louange ou de blâme.

Infailliblement.

Mais si l’on jugeait par les honneurs, la victoire et le courage, ne serait-ce pas ce que louerait ou blâmerait l’ami des honneurs et de la victoire ?

Évidemment si.

Mais puisqu’on juge par l’expérience, l’intelligence et le raisonnement…

Il est forcé, interrompit-il, que ce que loue le philosophe, l’ami du raisonnement, soit le plus juste.

  1. Cela a été dit 582 a.