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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/136

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583 c
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LA RÉPUBLIQUE IX

Quels discours ?

Qu’il n’y a rien de plus agréable que la santé, mais qu’ils ne pensaient pas, avant leur maladie, dque c’était le bien le plus agréable.

Je me les rappelle, dit-il.

N’as-tu pas ouï dire aussi à ceux qui sont en proie à quelque violente douleur qu’il n’est rien de plus agréable que de cesser de souffrir ?

Je l’ai ouï dire.

Et dans mainte autre circonstance pareille, tu as pu remarquer, je pense, que lorsque les hommes souffrent, ce qu’ils vantent comme le plus agréable, c’est la cessation de la souffrance et le repos à cet égard, et non pas le plaisir.

C’est que, dit-il, ce repos devient peut-être en de tels moments une chose agréable et plaisante.

eDe même, dis-je, quand on cesse d’avoir du plaisir, le repos qui suit le plaisir est une peine.

Peut-être, fit-il.

Dès lors ce repos que nous disions tout à l’heure tenir le milieu entre le plaisir et la douleur, deviendra les deux, chagrin et plaisir.

Il le semble.

Mais est-il possible que ce qui n’est ni l’un ni l’autre devienne l’un et l’autre ?

Il ne me semble pas.

D’autre part, le plaisir et la douleur, quand ils se produisent dans l’âme, sont l’un et l’autre une sorte de mouvement[1], n’est-ce pas ?

Oui.

584Or ne venons-nous pas de reconnaître que l’état où l’on ne sent ni douleur ni plaisir était bien un repos et qu’il avait place entre les deux ?

Nous l’avons en effet reconnu.

Comment donc peut-on croire raisonnablement que l’absence de douleur soit un plaisir et l’absence de plaisir une peine ?

On ne le peut en aucune façon.

Cet état n’est donc pas, repris-je, mais paraît être un plaisir, si on le compare à la douleur, une douleur, si on le compare

  1. Dans le plaisir, le mouvement est réplétion ; dans la douleur, c’est le vide. Cf. 585 a.