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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/138

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LA RÉPUBLIQUE IX

au plaisir, et il n’y a rien de sain dans ces visions, si l’on considère la réalité du plaisir : ce n’est qu’un prestige.

C’est du moins, dit-il, ce que le raisonnement démontre.

bMaintenant, repris-je, considère des plaisirs qui ne viennent pas à la suite de douleurs, et tu ne t’imagineras plus peut-être dans le cas présent que la nature du plaisir et de la douleur se réduit à n’être, l’une, que la cessation de la douleur, l’autre que la cessation du plaisir.

De quel cas, demanda-t-il, et de quels plaisirs parles-tu ?

Il y en a beaucoup, répondis-je ; mais il y a surtout, si tu veux bien y faire attention, les plaisirs de l’odorat[1]. Ceux-ci en effet, sans avoir été précédés d’aucune douleur, se produisent soudainement, avec une intensité extraordinaire, et quand ils cessent, ils ne laissent après eux aucune douleur.

C’est très vrai, dit-il.

cNe nous laissons donc pas persuader que la cessation de la douleur soit un plaisir pur, et celle du plaisir une douleur réelle.

Gardons-nous en.

Et pourtant, repris-je, les sentiments qui viennent à l’âme par le corps et qu’on appelle plaisirs, et ce sont peut-être les plus nombreux et les plus vifs, sont de cette nature : ce sont des cessations de douleurs.

En effet.

N’en est-il pas de même des plaisirs et des douleurs anticipés que provoque l’attente de l’avenir ?

Il en est de même.


dX  Sais-tu, repris-je, de quelle nature sont ces plaisirs et à quoi ils ressemblent le plus ?

À quoi ? demanda-t-il.

Tu admets, repris-je, qu’il y a dans la nature un haut, un bas, un milieu.

Oui.

À ton avis, quand quelqu’un passe du bas au milieu, ne se

  1. Cf. Philèbe 51 b : Les plaisirs qu’on peut tenir pour vrais, « sont ceux qui ont pour objets les belles couleurs et les belles figures, la plupart de ceux qui naissent des odeurs et des sons, tous ceux, en un mot, dont la privation n’est ni sensible ni douloureuse et dont la jouissance est accompagnée d’une sensation agréable, sans aucun mélange de douleur. » (Trad. Saisset.)