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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/162

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LA RÉPUBLIQUE IX

il n’aura pas égard à la santé et n’attachera pas d’importance à être fort, sain et beau, s’il ne doit point par là devenir tempérant, det il établira toujours l’harmonie dans son corps en vue de maintenir l’accord dans son âme.

C’est ce qu’il fera, dit-il, si du moins il veut être véritablement musicien.

Ne visera-t-il pas le même but, repris-je, en gardant l’ordre et l’harmonie dans l’acquisition des richesses ? ou bien, ébloui par ce que la foule regarde comme le bonheur, voudra-t-il accroître la masse de ses richesses à l’infini, pour avoir des maux infinis ?

Je ne le pense pas, dit-il.

eMais, repris-je, tournant les yeux vers le gouvernement qui est en lui, il prendra garde d’y rien déranger par excès ou manque de fortune, et, suivant cette règle, il acquerra ou dépensera selon ses capacités.

Parfaitement, dit-il.

592Quant aux honneurs, il les considérera du même point de vue : il recevra et goûtera volontiers ceux qu’il croira capables de le rendre meilleur ; pour ceux qui pourraient troubler l’état de son âme, il les fuira dans la vie privée et dans la vie publique.


Le sage réalisera
en lui-même
la cité idéale.

Il refusera donc, dit-il, de prendre part aux affaires publiques, s’il a de telles idées.

Non par le Chien ! dis-je ; il s’en occupera dans son propre État, et activement, mais non pas sans doute dans sa patrie[1], à moins que le ciel ne lui en donne l’occasion.

J’entends, dit-il ; tu parles de l’État dont nous venons de tracer le plan et qui n’existe que dans nos discours ; car je ne crois pas qu’il y en ait un pareil ben aucun lieu du monde.

Mais, répondis-je, il y en a peut-être un modèle dans le ciel pour qui veut le contempler et régler sur lui son gouver-

  1. Cf. le mot d’Anaxagore dans Diogène Laërce 11, 7 : τέλος ἀπέστη καὶ τὴν τῶν φυσικῶν θεωρίαν ἦν, οῦ φροντίζων τῶν πολιτικῶν, ὅτε καὶ πρὸς τὸν εἰπόντα· Οὐδέν σοι μέλει τῆς πατρίδος ; — Εὐφήμει, ἔφη· ἐμοὶ γὰρ καὶ σφόδρα μέλει τῆς πατρίδος, δείξας τὸν οὐρανόν.