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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/18

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LA RÉPUBLIQUE VIII

l’honneur (comme je n’ai pas de nom usité à lui donner, je l’appellerai timocratie ou timarchie), puis nous mettrons en face l’individu qui lui ressemble. Après cela nous passerons à l’oligarchie et à l’homme oligarchique ; censuite, après avoir porté nos regards sur la démocratie, nous les reporterons sur l’homme démocratique ; en quatrième lieu, nous en viendrons à l’État tyrannique, et après l’avoir examiné, nous passerons à l’étude de l’âme tyrannique, et nous tâcherons de bien juger la question que nous nous sommes proposée.

Il n’y a rien à reprendre, dit-il, à cette manière d’examiner et de juger.


La timocratie
ou gouvernement
de l’honneur.

III  Eh bien donc, repris-je, essayons d’expliquer de quelle façon la timocratie sort de l’aristocratie. N’est-ce pas une vérité qui saute aux yeux que tout changement de constitution dvient de la partie qui gouverne, quand la division se met entre ses propres membres[1], et que, tant qu’elle est d’accord avec elle-même, si petite qu’on la suppose, il est impossible de l’ébranler ?

C’est comme tu dis.

Dès lors, Glaucon, repris-je, comment notre État sera-t-il ébranlé, et par où la discorde se glissant entre les gardiens et les magistrats armera-t-elle chacun de ces corps contre l’autre, et contre lui-même ? Veux-tu qu’à l’imitation d’Homère nous conjurions les Muses[2] de nous dire comment la discorde est survenue pour la première fois, et que, les faisant jouer et causer avec nous, ecomme avec des enfants, nous leur prêtions, comme si elles parlaient sérieusement, le langage relevé de la tragédie ?

Comment ?

À peu près ainsi : il est difficile qu’un État constitué comme le vôtre s’altère ; 546mais comme tout ce qui naît est sujet à la corruption, votre constitution non plus ne durera pas toujours, mais elle se dissoudra et voici comment. Il y a non seulement pour les plantes enracinées dans la terre, mais

  1. Même pensée dans les Lois 683 e : « Lorsque la royauté ou toute autre espèce de gouvernement vient à se détruire, n’est-elle pas cause elle-même de sa destruction ? » Cf. Hérodote VIII 3.
  2. Allusion au début de l’Iliade.