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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/182

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LA RÉPUBLIQUE X

aimé pour cela, et dont les sectateurs suivent encore aujourd’hui un régime de vie qu’ils appellent pythagorique, régime qui les distingue de tous les autres hommes ?

On ne rapporte non plus, dit-il, aucun souvenir de ce genre ; car Créophyle[1], le disciple d’Homère, Socrate, est moins ridicule peut-être pour son nom que pour son éducation, s’il en faut croire ce qu’on dit sur Homère. On dit en effet qu’il fut étrangement cnégligé de son vivant par ce personnage.


IV  C’est en effet ce qu’on rapporte, dis-je. Mais crois-tu, Glaucon, que, si Homère eût été réellement capable d’instruire les hommes et de les rendre meilleurs, comme un homme qui peut parler de ces matières en connaisseur, et non en simple imitateur, crois-tu qu’il ne se serait pas fait de nombreux disciples qui l’auraient honoré et chéri ? Quoi ! Protagoras d’Abdère, Prodicos de Céos et tant d’autres peuvent en des entretiens privés persuader à leurs contemporains qu’ils ne seront pas dcapables d’administrer une maison ou un État, s’ils ne se mettent sous leur direction pour s’en instruire, et on les aime si vivement pour leur talent que c’est à peine si leurs disciples ne les portent pas en triomphe sur leur tête ; et les contemporains d’Homère et d’Hésiode, s’il est vrai que ces poètes étaient capables d’aider les hommes à être vertueux, les auraient laissés aller de ville en ville réciter leurs vers ! ils n’auraient pas sacrifié leur fortune au plaisir de se les attacher ! ils ne les auraient pas forcés de se fixer auprès d’eux edans leur pays, et, s’ils n’avaient pu les retenir, ils ne les auraient pas suivis eux-mêmes partout où ils allaient, jusqu’à ce qu’ils eussent assez profité de leurs leçons !

Ce que tu dis là, Socrate, me paraît être la vérité même.

Tenons donc pour assuré que tous les poètes, à commencer par Homère, soit que leurs fictions aient pour objet la

  1. Platon parle de Créophyle comme d’un ami ou d’un disciple d’Homère ; d’autres, y compris le scholiaste, prétendent qu’il était son gendre. Le poème épique de la Prise d’Œchalie est attribué à Créophyle par Callimaque ; selon une autre tradition, Créophyle reçut le poème d’Homère lui-même en récompense de son hospitalité. Son nom signifie : Carnigena, fils de la viande.