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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/216

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LA RÉPUBLIQUE X

Par Zeus, s’écria-t-il, l’injustice n’apparaîtrait plus comme une chose si terrible, si elle devait causer la mort de celui qui la reçoit en son âme ; car il serait délivré du mal[1]. Je crois plutôt qu’on reconnaîtra tout au contraire qu’elle tue les autres, si elle le peut, dtandis qu’elle rend très vivace et même très éveillé celui qui l’héberge, tant elle est loin, ce semble, d’être une cause de mort !

Bien dit, repris-je ; car si la perversité propre de l’âme, si son propre mal ne peut ni la tuer, ni la détruire, il est bien difficile que le mal destiné à la destruction d’une autre substance détruise l’âme, ou tout autre objet que celui auquel il est lié.

C’est bien difficile, dit-il, selon toute vraisemblance.

Mais quand une chose ne meurt ni par un mal qui lui est propre, ni par un mal qui lui est étranger, 611il est évident qu’elle doit exister toujours, et que, si elle existe toujours, elle est immortelle.

Nécessairement, dit-il.


La nature de l’âme
ne se laisse
bien voir
que quand
elle est dégagée
du corps.

XI  Tenons donc, dis-je, cela pour acquis. Mais s’il en est ainsi, tu conçois que ce sont toujours les mêmes âmes qui existent ; et en effet elles ne peuvent diminuer de nombre, puisqu’aucune ne périt, ni augmenter non plus ; car si tel ou tel groupe d’êtres immortels venait à s’accroître, il s’accroîtrait de ce qui est mortel et tout, à la fin, serait immortel.

Tu dis vrai.

C’est, repris-je, ce qu’il ne faut pas admettre ; car la raison le défend. bIl ne faut pas croire non plus que l’âme en sa véritable nature soit une sorte d’être formé d’une foule de parties variées, diverses et différentes entre elles.

Que veux-tu dire ? demanda-t-il.

Il est difficile, répondis-je, qu’un être soit éternel, s’il est formé de plusieurs parties, à moins que l’assemblage n’en soit parfait, comme vient de nous paraître celui de l’âme.

En effet, cela n’est pas vraisemblable.

  1. Cf. Phédon 107 c : « Admettons que mourir, ce soit se détacher de son tout, quelle aubaine serait-ce pour les méchants une