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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/218

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LA RÉPUBLIQUE X

L’âme est donc immortelle : l’argument que je viens de donner, sans parler des autres, nous force à le reconnaître. Mais pour savoir ce qu’elle est en son fond véritable, il faut la considérer, non pas comme cnous le faisons à présent, dans l’état de dégradation où l’a mise son union avec le corps et d’autres misères ; il faut la contempler attentivement des yeux de l’esprit, telle qu’elle est, quand elle est pure. Alors on la verra infiniment plus belle, et l’on distinguera plus clairement les traits de la justice et de l’injustice et toutes les choses dont nous venons de parler. Ce que nous venons de dire d’elle est vrai par rapport à son état présent, et nous l’avons vue dans un état qui ressemble à celui de Glaucos le marin. En le voyant, don serait bien embarrassé de reconnaître sa nature primitive ; car des anciennes parties de son corps les unes sont cassées, les autres usées et totalement défigurées par les flots, tandis que de nouvelles s’y sont ajoutées, formées de coquillages, d’algues, de cailloux, en sorte qu’il ressemble plutôt à n’importe quelle bête qu’à ce qu’il était naturellement : c’est ainsi que l’âme se montre à nous, défigurée par mille maux. Mais voici, Glaucon, ce qu’il faut regarder.

Quoi ? demanda-t-il.

eSon amour de la vérité : il faut considérer quels objets elle atteint, quels commerces elle recherche, en vertu de sa parenté avec ce qui est divin, immortel et éternel, et ce qu’elle deviendrait, si elle s’attachait tout entière à la poursuite des objets de cette nature et si, emportée par son élan, elle sortait de la mer où elle est à présent, secouant les cailloux et les coquillages, qu’amasse autour d’elle la vase dont elle se nourrit, 612croûte épaisse et grossière de terre et de pierre qui vient de ces bienheureux festins, comme on les appelle. C’est alors qu’on verra sa véritable nature, si elle est simple ou composée, en quoi elle consiste et comment elle est. Quant à présent, nous avons, ce me semble, assez bien expliqué les affections et les formes qu’elle a dans la vie actuelle.

Très bien même, fit-il.

    fois morts, en même temps qu’ils sont détachés du corps, de l’être aussi, avec leur âme, de cette méchanceté qui est la leur. »