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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/226

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LA RÉPUBLIQUE X

Ce sont assurément des récompenses glorieuses et solides.

Eh bien, dis-je, ce n’est rien ni pour le nombre, ni pour la grandeur en comparaison de ce qui attend après la mort et le juste et l’injuste. C’est ce qu’il faut entendre, afin que l’un et l’autre reçoivent exactement ce qui lui est dû par la discussion.

bParle, dit-il ; aussi bien il y a peu de choses qui me feraient plus de plaisir à entendre.

Ce n’est point, dis-je, un récit d’Alkinoos[1] que je vais te faire, mais le récit d’un brave, Er, fils d’Arménios, originaire de Pamphylie[2]. Il était mort dans une bataille. Dix jours après, comme on ramassait les morts déjà putréfiés, on le releva, lui, en bon état, on le porta chez lui pour l’ensevelir et, le douzième jour, ayant été mis sur le bûcher, il revint à la vie. Alors il raconta ce qu’il avait vu là-bas. Aussitôt, dit-il, que son âme était sortie de son corps, il s’était mis en route avec beaucoup d’autres, cet ils étaient arrivés dans un endroit merveilleux[3], où il y avait dans la terre deux ouvertures attenant l’une à l’autre, et dans le ciel, en haut, deux autres qui leur faisaient face. Jugement
des âmes.
Entre ces doubles ouvertures siégeaient des juges ; dès qu’ils avaient prononcé leur sentence, ils ordonnaient aux justes de prendre à droite[4] la route qui montait dans le ciel, après leur avoir attaché par devant un écriteau relatant leur jugement, et aux criminels de prendre à gauche la route descendante, portant eux aussi, mais par derrière, dun écriteau où étaient marquées toutes leurs actions. Comme il s’approchait à son tour, les juges lui dirent qu’il aurait à porter aux hommes les nou-

  1. Les livres IX-XII de l’Odyssée étaient désignés dans l’antiquité sous le nom de Ἀλκίνου ἀπόλογοι, contes à Alkinoos. Cf. Aristote, Poet. 16, 1455a 2 et Rhét. 16 1417a 13, où l’on voit qu’on appelait aussi l’ensemble des quatre livres ὁ Ἀλκίνου ἀπόλογος.
  2. Au mythe d’Er le Pamphylien il faut comparer ceux du Phèdre, du Gorgias et du Phédon, où il est également question de la destinée des âmes dans l’autre monde.
  3. Cet endroit merveilleux se retrouve dans le Phédon 107 d, et dans le Gorgias 524 a, où il est désigné par le nom de prairie (λειμών).
  4. Les détails de ce passage trahissent une influence orphique ou pythagoricienne, comme le montre Arist. frg. 195 (1513a 24 sqq.) τὸ οὖν δεξιὸν καὶ ἄνω καὶ ἐμπροσθεν ἀγαθὸν ἐκάλουν, τὸ δὲ ἀριστερὸν καὶ