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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/230

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LA RÉPUBLIQUE X

justes et pieux en obtenaient la récompense dans la même proportion. Au sujet des enfants cqui sont morts en naissant ou qui n’ont vécu que peu de temps[1], Er donnait force détails Punition des
grands criminels,
en particulier
des tyrans.
qui ne valent pas la peine qu’on les rapporte. En ce qui concerne l’impiété ou la piété envers les dieux et les parents, et le meurtre à main armée, le salaire, d’après lui, dépassait encore la mesure donnée plus haut[2].

Il s’était en effet trouvé, disait-il, près d’un homme à qui l’on demandait où était Ardiée le Grand. Or cet Ardiée avait été tyran dans une cité de Pamphylie, dmille ans auparavant ; il avait tué son vieux père et son frère aîné, et commis, à ce que l’on disait, beaucoup d’autres forfaits. L’homme ainsi questionné avait répondu, selon le rapport d’Er : « Il n’est pas venu, il ne saurait venir ici. »


XIV  Et en effet, entre autres spectacles terribles, nous avons été témoins de celui-ci. Comme nous étions près de l’ouverture et sur le point de remonter, après avoir subi toutes les autres épreuves, soudain nous avons aperçu cet Ardiée avec d’autres, qui, pour la plupart, étaient des tyrans ; il y avait aussi un certain nombre de particuliers qui avaient été de grands scélérats. Au moment où ils pensaient remonter, el’ouverture leur refusa le passage : elle mugissait[3] chaque fois qu’un de ces méchants incurables ou qui n’avaient pas suffisamment expié essayait de sortir. Alors, disait-il, des hommes sauvages et tout de feu, qui se tenaient près de l’entrée, entendant le mugissement, saisis-

  1. Virgile place les limbes à l’entrée des enfers, Én. VI 426-429.

    Continuo auditae voces vagitus et ingens
    Infantumque animae flentes in limine primo
    Quos dulcis vitae exsortes et ab ubere raptos
    Abstulit atra dies et funere mersit acerbo.

    Les limbes sont apparemment une invention des Orphiques.

  2. Cf. Xén. Mém. IV, 4, 19, 20. « La première des lois, chez tous les hommes, c’est d’honorer les dieux. N’est-ce pas aussi une loi établie partout d’honorer ses parents ? » Cf. Pindare, Pyth. VI 28-27 et Phédon 113 e-114 b.
  3. Cf. Aristote an. post. II, 11 94b 32 βροντᾷ — ὡς οἱ Πυθαγόρειοί φασιν, ἀπειλῆς ἕνεκα τοῖς ἐν τῷ Ταρτάρῳ, ὅπως φοβῶνται.