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Page:Platon - Œuvres complètes, Les Belles Lettres, tome VII, 2.djvu/246

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LA RÉPUBLIQUE X

sauvages, les justes dans les espèces paisibles, et il se faisait des mélanges de toutes sortes[1].

Quand toutes les âmes eurent choisi leur condition, elles se dirigèrent vers Lachésis dans l’ordre où elles avaient tiré leur lot. Celle-ci donna à chacune le génie qu’elle avait préféré, afin qu’il lui servît de gardien edans la vie et lui fît remplir la destinée qu’elle avait choisie. Tout d’abord le génie la menait vers Clotho, et la mettant sous la main de cette parque et sous le fuseau qu’elle faisait tourner, il ratifiait ainsi la destinée que l’âme avait choisie après le tirage au sort. Après avoir touché le fuseau, il la menait ensuite à la trame d’Atropos pour rendre irrévocable ce qui avait été filé par 621Clotho, puis, sans qu’elle pût retourner en arrière, l’âme venait au pied du trône de la Nécessité ; enfin elle passait de l’autre côté de ce trône. Lorsque toutes y eurent passé, elles Le Léthé
Remontée des âmes
sur la terre.
se rendirent ensemble dans la plaine du Léthé par une chaleur étouffante et terrible ; car il n’y avait dans la plaine ni arbre, ni plante. Le soir venu, elles campèrent au bord du fleuve Amélès, dont aucun vase ne peut garder l’eau ; chaque âme est obligée de boire de cette eau une certaine quantité ; celles qui ne sont pas retenues par la prudence en boivent outre mesure. bDès qu’on en a bu, on oublie tout. On s’endormit ensuite ; mais au milieu de la nuit, il survint un éclat de tonnerre, avec un tremblement de terre, et soudain les âmes s’élancèrent de leur place l’une d’un côté, l’autre de l’autre vers le monde supérieur où elles devaient renaître, et filèrent comme des étoiles. Quant à lui, on l’avait empêché de boire de l’eau ; cependant par où et comment il avait rejoint son corps, il l’ignorait ; mais soudain, ayant levé les yeux, il s’était vu à l’aube couché sur le bûcher.


Conclusion.

Et c’est ainsi, Glaucon, que le conte a été sauvé de l’oubli et ne s’est point perdu. cIl peut, si nous y ajoutons foi, nous sauver nous-mêmes ;

    docle tenait, dit-on, « que la meilleure migration pour l’homme était de passer dans le corps d’un lion, si le sort voulait qu’il fût animal, et dans un laurier, si le sort voulait qu’il fût plante ». Élien Hist. An. XII, 7, frag. 127, Diels.

  1. Les différentes variétés de vie dont parle ici Platon (μουσικός,